C’est la première fois qu’Yves Boisset réalise un film en lien avec le contexte politique. Très concrètement, le sujet annonce ses prochains films avec leur ton engagé et leur parti-pris rentre-dedans. Dans cette attente, Le Saut de l’ange semble encore s’inscrire dans la lignée de son premier effort, à savoir Coplan sauve sa peau (que l’on voit projeté dans un drive-in marseillais), soit un divertissement d’action propre à la série B. S’il effleure des éléments politiques de l’époque, il ne s’y intéresse pas encore vraiment. Le film s’ouvre sur deux assassinats plutôt graphiques avant de partir sur les traces du personnage principal, parfaitement interprété par Jean Yanne, qui séjourne en Thaïlande. Paysages propres à l’aventure (même si le tournage a eu lieu dans la bambouseraie d’Anduze), personnages de BD ou de serials, fusillades, poursuites et bagarres annoncent rapidement la couleur : Yves Boisset n’est pas là pour dénoncer mais pour se faire plaisir. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il a donné à Sterling Hayden qu’il admire, un des premiers rôles.


Le résultat est à la hauteur du projet attendu. Ce film d’action entre la Thaïlande et Marseille, s’il peut souffrir de son schématisme, est d’une grande efficacité, rappelant notamment celle des Italiens dans le domaine. La qualité du casting de Senta Berger à Daniel Ivernel en passant par Raymond Pellegrin ou la trogne impayable de Gordon Mitchell contribue à rendre l’ensemble fort sympathique. Dans un esprit très années 60 (on peut penser parfois aux films d'espionnage européens de l’époque), Yves Boisset ajoute une belle dose de nervosité et de violence qui rendent l’ensemble vraiment très plaisant. Surtout, le scénario malin qui utilise à bon escient le climat politique de l’époque parvient à trouver le juste équilibre entre réalisme à la française et esprit BD propre aux petits divertissements. Peut-être les partisans du Boisset dénonçant les magouilles politiques trouveront l’ensemble trop décontracté mais il faut reconnaitre au film une véritable habileté.


Au crédit également de ce long-métrage méconnu, une superbe partition de François de Roubaix qui témoigne à la fois d’un certain sens de l’action et d’une douce amertume qui colle parfaitement au personnage principal. Si certains tics du cinéma français des années 1960 sont encore très présents, on appréciera également la volonté du réalisateur de rendre l’ensemble plus percutant et plus moderne. Ce n’est pas du grand cinéma à l’arrivée, mais c’est du très bon divertissement.

Play-It-Again-Seb
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le 5 juil. 2024

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