Une fleur sur la pierre...
« Le scandale Paradjanov, ou la vie tumultueuse d’un artiste soviétique » n’est pas stricto senso un biopic classique. Il s’agit plutôt d’un hommage vibrant et poétique au cinéaste, mais beaucoup plus encore à l’homme d’exception qu’était le réalisateur soviétique. Car Paradjanov, tout auréolé du génie qu’il s’est autoproclamé par dérision, a vécu intensément la création, faisant sien l’aphorisme de Wilde : « A l’homme qui veut faire de la vie un art, le cerveau tient lieu de cœur ». Artiste, Paradjanov l’était, cinéaste, poète, plasticien, il appartenait à un autre temps. Son cinéma, dans la démesure, trouvait une filiation parmi les grands réalisateurs du cinéma muet, tels Griffith, Eisenstein ou encore un Lang au temps de Métropolis. Rien n’était trop beau, rien n’était trop réel pour apporter une véracité à ses œuvres allégoriques où traditions caucasiennes et lyrisme s’exprimaient luxueusement. Mais l’homme était aussi modeste, pendant et après l’incarcération, son talent foisonnait dans des œuvres graphiques, et notamment les collages, repris ingénieusement ici pour composer le générique du début. Paradjanov avait « le mal de la beauté » comme on subit le mal de mer, et il n’a cessé jusqu’à la fin d’en tirer la quintessence. C’est dans ce sens que le film est extraordinairement intelligent. Le manque de budget apparent est largement compensé par des idées de mise en scène originales (l’incrust du maître au cœur du film tourné et vivant chaque scène pour inspirer ses acteurs, ou alors jonché sur les épaules de Brejnev, la rencontre avec Mastroianni, la prison…). Tout ce qui faisait Paradjanov s’y retrouve ! Et Avédikian d’incarner ce faiseur d’images avec force et fracas mais surtout un profond respect. « Le scandale Paradjanov » conservera désormais l’image de ce génial réalisateur dont le talent, incompris, effrayait le pouvoir soviétique. Et s’il a vécu plus qu’il n’a filmé, il nous laisse à jamais en héritage, un cinéma empli de poésie et de beauté.