La première suite d’un Grand Classique Disney remonte à 1994 avec The Return of Jafar. Michael Eisner, directeur de la Walt Disney Company à l'époque, donne alors le feu vert à ce qui restera pour tous les puristes une de ses plus mauvaises idées sur l'activité de l'animation. Son accord va en effet produire des effets catastrophiques sur la réputation de qualité des productions Disney et entacher durablement l'aura historique du label de Mickey.

Prévu à l'origine pour être le simple pilote d’une série télévisée, The Return of Jafar, réalisé par Walt Disney Television Animation, l'opus est proposé en VHS en tant que suite officielle. Surfant sur le succès du Grand Classique et du marché de la cassette vidéo, les ventes dépassent toute espérance. Le coup est juteux et masque subtilement les conséquences ravageuses sur le long terme. La gangrène du low-cost s'installe dans le catalogue de la Walt Disney Company et se propage. Tous les Grands Classiques ou presque passent à la moulinette, au rythme effréné de deux par an dans les années 90 pour passer à quatre ou plus dans les années 2000. Chaque nouvelle sortie ternit un peu plus la réputation des films et personnages de référence, et au-delà, du label Disney tout entier. Au plus fort de cette crise d'identité qui ne dit pas son nom, Walt Disney Television Animation est divisée en deux équipes, l'une pour s'occuper des séries animées et l'autre pour les suites vidéos. Cette dernière prend son indépendance en 2003 et devient le Disney Toon Studios.

Le débarquement de Michael Eisner en 2005 offre à la firme tout entière un sursaut salutaire. Son remplaçant Bob Iger change tranquillement la sombre destinée voulue par son prédécesseur. Non content de racheter PIXAR, il place John Lasseter à la tête du département animation de Disney. Convaincu du désastre silencieux découlant de la politique de productions au rabais menée jusqu'alors, il stoppe purement et simplement le programme établi et revoit tout le processus.

John Lasseter entend redonner au label Walt Disney l'aura qu'il n'aurait jamais dû perdre. Le retour de la qualité est annoncé. Dans l'intervalle, il se résout à mener à terme la dernière suite produite par Disney Toon Studios, trop avancée pour un abandon pur et simple.

C’est ainsi que The Little Mermaid : Ariel’s beginning débarque en vidéo en 2008 comme le dernier des mohicans.

The Little Mermaid : Ariel’s beginning est un prequel, donc un récit qui devrait logiquement venir confirmer ce que le spectateur a appris chronologiquement. Or, des bourdes invraisemblables sont commises. Ainsi, Sébastien assume déjà le rôle de précepteur de Ariel alors même que dans le Grand Classique il semble découvrir sa fonction. De même, Polochon n'a jamais fait état jusqu'à présent d'un goût prononcé pour la musique, et encore moins d'une addiction totale. Et que penser de Ariel qui proclame ici son amour pour le quatrième art, alors même qu'elle néglige le concert qu'elle se doit de donner en l'honneur de son père dans le Grand Classique. De nombreuses incohérences avec The Little Mermaid, mais aussi avec la série The Little Mermaid qui a été diffusé entre 1992 et 1994 et qui était déjà un prequel.

Devant les véritables bévues scénaristiques, le film possède un paradoxe troublant. Ariel qui proclame ici son goût pour la musique et avait brillé, en son temps, dans un Grand Classique aux chansons inoubliables, se paye là une bande-son médiocre. James Michael Dooley (qui a beaucoup assisté Hans Zimmer durant sa carrière) est bien trop sage. Ses compostions ne parviennent pas un instant à prendre la mesure du contraste sur lequel pourtant tout le scénario est bâti (ce qui était une bonne idée).

Le scénario de Robert Reece et Evan Spiliotopoulos (qui ont déjà travaillés ensemble sur Cinderella III : A Twist in Time) est vraiment la bonne idée du long-métrage. En mettant la musique au centre du récit, ils dressent un parallèle évident avec le succès du Grand Classique.

La réalisatrice Peggy Holmes (experte en suite de Grand Classique : The Jungle Book 2, The Lion King 1 1/2, Mulan II ou Kronk’s New Groove) et son équipe d’animateur livrent ici une animation impeccable dans ses décors et ses personnages. Fluides et fidèles au premier opus, ils ne déméritent pas malgré le manque de moyens indu par le genre. Certains nouveaux personnages sont, d'ailleurs, parfaitement réussis. Marina Del Ray, méchante et excentrique à souhait et Benjamin, son majordome, parfait contraire, posé et gentil, forment ainsi un duo digne d'intérêt.

The Little Mermaid : Ariel’s beginning assure le minimum syndical, certains aspects du scénario fonctionnent, apprenant par exemple aux spectateurs les circonstances de la disparition de la mère de Ariel ou décortiquant la teneur de ses relations avec ses sœurs. Les chorégraphies, enfin, sortent du lot, bénéficiant du statut de danseuse professionnelle de la réalisatrice Peggy Holmes. Cependant The Little Mermaid : Ariel’s beginning cumule trop d'handicaps pour convaincre, sauf bien sûr de la pertinence d'arrêter le genre.

StevenBen
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le 12 mai 2023

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Steven Benard

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