J'ai découvert R.W Fassbinder très tard et ma première approche de sa filmographie était teintée de déception avec "Les Larmes amères de Petra von Kant". Néanmoins, il n'y a rien à faire mais chacun de ses films a un synopsis qui vous donne envie de vous y jeter. Ne voulant surtout pas en rester là, mon dévolu se porta sur son film testamentaire qui est Veronika Voss. Les puristes me diront que ce n'était pas le choix le plus judicieux mais ça faisait longtemps que je voulais le voir.
Veronika Voss nous parle d'ombres et de lumières qui, en les reportant sous forme colorimétrique, renvoient au noir et au blanc. Quoi de plus logique que ce choix esthétique de bannir la couleur pour un résultat proprement saisissant. R.W Fassbinder nous jette à la figure un noir et blanc riche de complexité, scintillant, parfois tape-à-l'oeil mais toujours magnifique. On peut alterner entre les scènes éblouissantes et les scènes beaucoup plus sombres. Le film est visuellement exemplaire mais s'acoquine de nombreuses recherches formelles. Ce qui nous sautera aux yeux sont bien sûr ses rapides fondus au noir sous forme de motifs géométriques atypiques. Pour la petite parenthèse sarcastique, ça m'a rappelé un Power Point que j'avais fait jadis quand j'étais à l'université avec différents effets de transition à chaque slide. J'aimais, mon évaluateur un peu moins. Fin de cette petite anecdote.
Toutefois, le thème de l'ombre et de la lumière ne se limite pas à la seule voix esthétique. Elle se rapporte aussi à l'ascension et à la chute de la célébrité. Cette thématique a déjà été exploré à de moult reprises dont les exemples les plus marquants furent "Boulevard du Crépuscule" et, dans un esprit davantage thriller, "Qu'est-il arrivé à Baby Jane ?". Fort heureusement, Veronika Voss n'a aucunement cette prétention de marcher sur les traces de ses aînés qui furent imités mais certainement jamais égalés. Fassbinder construit quelque chose de tout autre. La star déchue n'est pas le centre névralgique vers qui toute chose converge. Elle est une composante d'un pays meurtri, marqué à vie par les stigmates d'un passé trouble qui poursuit encore les survivants et ceux qui s'allièrent à des fins opportunistes à un régime totalitaire.
Veronika Voss se rêvait de la popularité, de la reconnaissance du peuple allemand. Une scène m'a ainsi particulièrement marqué : une contre-plongée de l'actrice se confondant avec une vitrine de bijoux étincelants. Une métaphore renvoyant à la grandiloquence, le besoin vital d'être sous les paillettes et les éclairages médiatiques. Seulement, la célébrité n'est pas éternelle et tôt ou tard la lumière fait place à l'obscurité, soit l'anonymat où l'unique source de bonheur est de saisir la moindre occasion de tourner dans le premier film venu. Fassbinder traite de l'obsession (par les yeux de ce chroniqueur sportif), de la rédemption, du pardon et de l'espoir. Veronika Voss regoûtera-t-elle au sommet lorsqu'elle était en UFA ?
Ceci dit, la noirceur résulte également de l'emprise méphistophélique d'une Veronika prise telle une mouche dans la toile d'araignée d'une médecin dont la manière d'agir renvoie au temps des tyrans de l'ex-Allemagne nazie. L'emprisonnement psychologique n'arrange en rien la situation de Veronika qui semble incapable de s'extraire du bourbier dans lequel elle se trouve. "Le Secret de Veronika Voss" est un film poignant, touchant mais aussi interpellant sur les ravages post-show bizz délaissant des figures cinématographiques qui deviennent tôt ou tard éphémères. Ca s'est déjà vu par le passé notamment dans la transition du muet vers le parlant.