Une reconstitution du moyen âge sombre et poisseuse parfois porteuse d’une petite touche de fantastique, qui ne fait pas dans la dentelle. Le seigneur de la guerre est une sacrée fresque épique, qui retranscrit à l’écran, avec un certain panache, une époque gratinée, en faisant l'effort de lui donner une belle authenticité historique.

L'ensemble est effectivement animé par une mise en scène solide au service d’un travail de reconstitution remarquable. Que ce soit dans les moments d’action, notamment lors du siège final superbement reconstitué, mais également lors de séquences plus posées, où le superbe travail fait sur la photographie (à l'exception des quelques montage grossiers sur les prises de vue en gros plans pour détacher les personnages dont je cherche encore l’intérêt) nous transporte sans délai sur des terres inhospitalières d’une époque où l’on règle ses comptes à coup de masse d’arme.

La proposition de Schnaffner est une œuvre sombre, peuplée de personnages tiraillés entre ce qu’ils considèrent comme leur dû et leurs obligations vis-à-vis de leur autorité supérieure, ce fameux Duc dans le cas présent, que l’on devine puissant et peu enclin à la compassion. Chaque personnage hantant l’histoire de son propre passif a quelque chose à dire, en cela Le seigneur de la guerre est une oeuvre dense et passionnante. Autant ce seigneur fatigué par sa vie de violence, que ces paysans qui voient leur nouveau maître avec un œil tendre jusqu’à ce que ce dernier décide d’user d’un droit de cuissage peu populaire, tous apportent une brique chargée de sens à l’histoire. A l’image de tous les seconds rôles qui existent réellement : le frangin, épuisé d’évoluer dans l’ombre de son aîné, le chef des Frisons désireux de retrouver son fils ou même cette blonde magnétique, dont on sait simplement qu’elle est la fille adoptive du chef des paysans et qui incarne la principale cause du trouble à venir. En envoûtant, de ses beaux yeux bleus, le seigneur de son patelin, elle propulse sa famille adoptive sur un chemin de violence dont ils ne sont pas coutumiers. Innocente jolie jeune femme un peu perdue, ou ensorceleuse protégée par des forces supérieures ? Le doute plane.

Pour parfaire le tableau, Le seigneur de la guerre est aussi une belle démonstration d’acteurs, dans les lead tout du moins. Charlton Heston apporte à son personnage sa forte stature et véhicule parfaitement la lassitude qui le touche. Sans en faire trop, il parvient presque à faire accepter sa décision d’aller subtiliser une jeune mariée, le soir même de sa nuit de noce. L’homme reste noble, y compris lorsqu’il kidnappe, quel classe ! Sa future promise porte tout le charme de la jolie Rosemary Forsyth, une touche de douceur nécessaire dans ce monde poisseux où la carrure importe plus que des traits avantageux. Enfin, j’ai un petit faible pour la tronche burinée de Richard Boone, qui en impose sacrément par son physique de gros malabar que t’as pas envie d’aller titiller. Forcément, il fallait bien un vilain petit canard pour contrebalancer le tout : il prend les traits du petit frère pour l’occasion, Guy Stockwell surjoue parfois, mais le côté excessif de son personnage fait qu'on ne lui en tient pas rigueur.

Pour toutes ces raisons, Le seigneur de la guerre n’usurpe en rien sa réputation de référence du genre. Il est l’un des films les plus fidèles à la réalité historique qu’était le moyen âge, si l’on excepte ce fameux droit de cuissage, qui semble avoir été relégué à l’étage des mythes par la majorité des historiens. Et ne serait-ce que pour son assaut final dantesque, pour l'épatant travail qui y est fait sur les décors et les costumes, ou pour son illustration d’un moyen âge loin des châteaux de 300m de haut à la Game Of Thrones (un simple lopin de terre et une tour peu flatteuse constitue ici le fief d’un fier guerrier), Le seigneur de la guerre est un rendez-vous à ne pas manquer pour peu que l’on s’intéresse à cette période indomptable de l’histoire.
oso
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le 3 août 2014

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oso

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