(bon, si le film avait été foiré, j'aurai mis "Quand Charlton tatone". Je le garderai peut-être pour plus tard).
Pourtant au départ, cette pellicule n'avait rien pour me brancher: un titre douteux (on y revient plus loin), un acteur aux inclinaisons bellicistes pour lequel je n'arrive pas à avoir d'affection particulière (quelque talent dont il ait pu faire preuve) et enfin l'oubli poli dans lequel le temps, dans sa proverbiale mansuétude, a affectueusement enveloppé l'oeuvre.
Oui mais SC et l'admirable critique de Jackal sont passés par là.
D'où curiosité, puis l'intérêt, puis encore l'emprunt et bientôt l'acquisition: ces deux heures médiévales ne manquent pas de grâce !
Les raisons d'aimer ce "Seigneur de la guerre" sont légions.
Bon, d'abord, historiquement c'est irréprochable, OK, ça a l'air de rien mais c'est doublement à saluer: d'abord parce que ça gâche pas le reste, et ensuite parce que tant qu'à faire on se dit: "tiens ? Ça a pu se passer comme ça, effectivement". Même les costumes (et ce que je vais écrire est très rare sous mon clavier averti) même les costumes ne font pas complètements pourraves (ou même ridicules) pour un film de 1965 en technicolor. Respect.
Du coup, qu'avons nous à nous mettre sous les yeux ?
L'histoire d'un puissant homme d'arme, inféodé à un Duc (dont nous ne connaitrons pas l'identité, pas plus qu'exactement le lieu ou se situe l'action... Tout juste savons-nous que les frisons ne sont pas loin. Quelque part en Angleterre après l'invasion des Normand, donc), affublé du plus curieux nom qui soit: Chrysagon.
Ce dernier se voit remettre, en récompense de plus de vingt ans de bons et loyaux service, un bout de terre perdu au bout du monde, une triste tour accolée à un village de locaux encore fortement ancrés dans leurs coutumes païennes (ces scènes de mariage, miaaaam !) isolés au milieu des marais. Chouette, non ? Et encore, on arrive en été, ça aurait pu être pire.
Pour ne rien arranger, notre Chrysagon (quel cool prénom ! Dommage que je ne prévois plus de me reproduire à nouveau, ma tradition de troisième prénom ridicule avait un nouveau prétendant dans la liste d'attente) ne trouve rien de mieux que de s'amouracher de la belle blonde du village (vraiment: Rosemary Forsyth, comment dire, euh... mmm! ).
Et on en revient au titre (douteux, mais, une fois n'est pas coutume: dans les deux langues "the warlord") du film. Le roman dont il est tiré se nomme "the lovers" et donne une autre facette à l'histoire. C'est bien de l'attraction entre Chrysagon et Bronwyn que toute la tension du film va naître. Grâce à cette liaison, toute l'époque et ses coutumes apparait dans ce qu'elle peut avoir d'incompréhensible à nos yeux. Les droits d'un seigneur sur sa terre (sacrée coutume que de pouvoir se taper n'importe quelle jeune mariée du village le soir de sa nuit de noce), des relations qu'il doit entretenir avec "ses gens" (et ça peut ressembler à du management moderne), les rapports entre un seigneur et ses proches (frère, fidèle), les pratiques religieuses, la place des hommes de dieu dans ces rouages complexes, et enfin aussi, les rapports avec l'ennemi.
Le personnage campé par Heston est d'une grande richesse et une infinie complexité. Voilà un guerrier devant faire preuve de psychologie (notamment quand on lui présente les litiges locaux qu'il doit trancher, se faisant au passage traiter de lâche par son frère, qui n'a pas, lui, à répondre de ses actes et s'en tient à la théorie pure) qui se trouve confronté au dilemme d'une vie: enfin, pour une fois, parce qu'il pense l'avoir mérité, faire ce qu'il a envie de faire (sans qu'il ne trouve que cela soit répréhensible, qui plus est) ou tenir son rôle. La pulsion de tout envoyer chier est là. Une sorte de repos contrarié du guerrier fatigué.
Superbe film donc, et qui est superbement mis en scène par Franklin J. Schaffner.
Il faut savoir qu'à l'origine, ce n'est pas lui qui est pressenti pour mettre en scène le scénario. Mais Heston et Schaffner se sont rencontrés sur le tournage d'une version de Machbeth (curieuse: de 45 mn) pour la télévision quelques temps auparavant. Le choix d'Heston est judicieux: non seulement les scènes de bataille sont du meilleur effet (la prise de la tour ? Le seigneur des anneaux 35 ans avant) mais en plus la photo et les couleurs sont somptueuses. Comme il est de coutume avec un grand film qui résiste au temps, le studio sera contrarié par la version finale: alors qu'ils ne souhaitaient qu'action pure et romance (avec même une petite pointe d'érotisme, comme les années 60 pouvaient nous l'offrir: Bronwyn est plusieurs fois devinée nue), il sont face à une œuvre sombre, complexe, brûlante.
Bien fait pour eux.
Le duo acteur/réalisateur se reconstituera pour "la planète des singes" (celle de 68, la vraie) et Schaffner brillera encore au moins deux fois avec Patton et Papillon.
Dernier point pour vous donner envie, et c'est là encore la marque irréfutable des bons films: les seconds rôles impeccables. Richard Boone, James Farentino ou Guy Stockwell sont tous parfaits.
Un sans-faute. Un petit bonheur.
Une perle qui rejoint illico ma liste consacrée à ces découvertes qui font le bonheur de ce site.