A la sortie du premier film de la trilogie de Peter Jackson, on s'était demandé s'il s'agissait là vraiment de Cinéma, ou bien simplement de la réjouissante réalisation des rêves collectifs de milliers - de millions - de fans, parfois un peu... attardés, ou tout au moins excessifs, d'un livre important qui les avait (un peu trop) marqués. Car "le Seigneur des anneaux : la Communauté de l'Anneau" nous avait semblé finalement inférieur du pur point de vue purement cinématographique à tout ce que Jackson (un réalisateur que nous chérissions beaucoup) avait réalisé avant, même aux pochades régressives de ses réjouissants débuts : Jackson avait été visiblement paralysé par son propre respect pour Tolkien, par un souci de bien faire qui empêchait tout débordement, tout dérapage, toute passion, sans même parler par la lourdeur difficilement imaginable d'une telle "machine cinématographique"...
Magnifiquement illustré à l'écran, son "Seigneur des Anneaux" ne réussit qu'occasionnellement, dans ce premier chapitre, à engendrer l'enthousiasme puissant qu'avait provoqué en nous la lecture du livre. Il nous faut subir en effet de longs tunnels vaguement ennuyeux, où notre esprit vagabonde et se concentre plus sur les aspects techniques du film... avant de nous souvenir que, très honnêtement, le premier tome de l'oeuvre de Tolkien avait lui aussi été beaucoup moins excitant que la suite, et que nous sommes finalement un peu injustes vis à vis de Jackson, prisonnier, on l'a dit, de sa fidélité.
Heureusement, la "magie" affleure assez régulièrement pour que le plaisir résiste à la longueur du film - et ce d'autant plus que la narration de la version "longue" est clairement plus harmonieuse, plus engageante que celle, souffrant d'incohérences et de ruptures maladroites, de la version cinématographique de 2001 : la simple joie de vivre des Hobbits de la Shire, la magie de l'univers elfique (portée par deux actrices lumineuses, Cate Blanchett et Liv Tyler, parfaites pour leurs rôles...), la malice d'un Gandalf pas encore transfiguré en messie lumineux, et surtout la superbe traversée des mines de la Moria, avec ses combats dantesques - encore que beaucoup moins "crédibles" que sur papier - nous offrent notre content d'émerveillement un peu enfantin...
... Et nous rappelle que le meilleur reste, heureusement, à venir !
[Critique réécrite en 2020, suite à un nouveau visionnage du film - le sixième depuis 2002 et le second en version longue, supérieure à la version sortie originellement en salles - en compagnie de ma fille la plus jeune, qui découvre la magie de l'univers tolkienien...]