La Communauté de l'Anneau sort en 2001, j'avais 7 ans. Je le découvrirais quelques années plus tard par une cassette empruntée chez le voisin, et trois courtes heures plus tard, ma vie prend un nouveau virage. Pour la première fois, je regarde quelque chose de plus adulte, et cette saga depuis ne cesse de me suivre où je vais. Car ces trois films, preuve d'une universalité propre à ce genre de cinéma total, grandissent en même temps que moi.
Le manichéisme primaire et jouissif ressenti dans mes jeunes années se transforme doucement. Frodon passe de personnage fade et geignard à courageuse victime constamment sur le fil en même temps que le poids de l'anneau se fait de plus en plus tangible dans mon esprit. Gollum, auparavant personnage perfide trop évident, réussit désormais à me faire ressentir la même pitié qu'éprouve Frodon. Le duo Merry et Pippin, de personnages inutiles se transforment en puissant outil d'identification pour le spectateur envers l'Histoire en marche qui nous dépasse totalement, ce sentiment d'impuissance terrible.
Ce sont finalement les motivations des personnages qui s'éclaircissent avec les années qui s'accumulent. Car en Terre du Milieu, si les personnages font partis du mauvais camp, ils étaient toujours à l'origine bons, réminiscence de la chrétienté de Tolkien : l'Homme naît bon, mais les épreuves le transforment jusqu'à le faire dériver du droit chemin. Ainsi, Gollum était un hobbit avant d'être corrompu par la soif de l'Anneau, Saroumane était un sage magicien avant de rallier la cause du pouvoir (on regrettera cependant le passage trop rapide sur la volonté de Saroumane de doubler Sauron qui apportait une plus grande ambiguïté au personnage), ou encore Gryma Langue de Serpent, par un simple regard sur la beauté froide de Eowyn et sur ses yeux dégoûtés par la vision de sa laideur, nous dit tout sur sa frustration l'amenant à trahir son peuple.
C'est ce qui fait la différence entre un bon et un mauvais manichéisme. Ici, on a bien le camp des méchants et des gentils, mais les méchants ne le sont pas par nature, et de ce fait sont respectés par l'oeuvre dans laquelle ils prennent place.
Au fur et à mesure que les rêves d'enfants disparaissent au profit de compromis, le conflit du Seigneur des Anneaux entre "tout ce qu'il y a de bon en ce monde", principalement représenté par la nature, et la soif de pouvoir par l'industrialisation de feu et de métal, se fait de plus en plus concret émotionnellement. Heureusement, il nous reste cette oeuvre pour continuer de croire en la victoire du bon. Et si avec le temps mon interprétation s'affine, la Terre du Milieu restera toujours un retour en enfance. La vraie victoire est ici.