Bavards du crépuscule
Alors que Les Deux Tours proposait de réels changements de directions avec la dynamique de La Communauté de l’anneau, le Retour du roi souffre a priori d’une certaine redondance avec le chapitre...
le 28 nov. 2015
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Encouragé par la hausse de niveau du deuxième épisode, je me précipite un an plus tard dans une autre salle, plus grande, pour voir comment tout ça va finir.
Le film s'ouvre sur une série de répétitions assez embarrassantes : le long flash-back de comment Sméagol est devenu Gollum est chouette, mais c'est une information qu'on avait déjà à demi-mot dans Les Deux Tours, et qui bouffe cinq minutes. Puis Gollum nous refait une scène de schizophrénie dans laquelle il réexpose son intention d'emmener Frodo et Sam vers une mort certaine... Je veux bien admettre qu'un petit récapitulatif soit nécessaire, mais c'est vraiment beaucoup de temps perdu. Surtout si par malheur on regarde les films les uns après les autres, des années après.
Alors qu'à côté de ça, Saruman le traitre n'est même pas dans le film ! On n'a pas su ce qu'il était devenu, le bougre, avant la version longue plusieurs mois plus tard.
Cette pauvre gestion de l'enchevêtrement des événements va se propager sur plus de la moitié du film.
Un autre exemple : Gandalf indique à Aragorn qu'il va devoir passer par les Chemins des Morts, et Elrond le lui répète quand ils campent devant !
La plus grande victime de ce vice de fabrication est le trio Frodo-Sam-Gollum. Après la redite de la schizophrénie au bord de l'eau, ils passent au moins trois jours à gravir les marches qui vont de Minas Morgul à la tanière de Shelob... Et à chaque fois qu'on les retrouve la scène est la même :
"- Le maigrichon veut vous tuer !
- Non c'est le gros qui veut vous tuer !
- Vos gueules, tous les deux ! Ou je vous mets une tarte à chacun ! On continue !"
J'en suis venu à détester les revoir... alors qu'ils ont sur les épaules le sort de la Terre du Milieu.
Des trois volets, Le Retour du Roi est celui qui me fait le plus grincer des dents. Tout ce lacrymal, toutes ces répétitions de choses évidentes… ( - Une diversion ! - Merciiii, Legolas… ) parasitent les efforts pachydermiques pour filmer l'apothéose : l'attaque de l'innombrable armée du Mordor sur Minas Tirith, dernier bastion de l'humanité.
C'est d'ailleurs dans ces très bons moments que Peter Jackson est le plus à l'aise. Epiques, inventifs, à couper le souffle, les combats ne manquent pas de l'être. La version longue parvient même à mieux dilater le temps pour qu'on ait loisir d'oublier un peu certains personnages avant de les retrouver avec bonheur.
Comment ne pas vibrer pendant la charge désespérée de Faramir sur Osgiliath alors que Pippin chante pour son enculé de père ? Ou lors de l'arrivée fracassante de l'armée du Rohan sur les Champs de Pelennor ? Ou quand Sam affronte Shelob ? Ou encore quand Aragorn revient héroïquement à bord de la flotte ennemie ? ( Quoique… Aragorn fait tout héroïquement… Confiez lui une étagère Ikea et un tournevis, vous allez voir… )
Maintenant, il reste le problème de Sauron. Je l'ai dit et répété, ce méchant est certes très vil, mais il ne constitue jamais un véritable adversaire. Ses sbires sont aveugles et stupides, et il reste là à regarder. Le Roi-Sorcier a même Gandalf à sa merci à un moment, dans la version longue, et il préfère repartir parce qu'il a entendu les cors du Rohan… Mais il ne leur fera rien tant qu'ils n'auront pas écrabouillé la moitié de son armée, et il meurt comme un bleu sur une question de terminologie. Teubé.
Sauron s'avère lui-même un très mauvais joueur de Poker, toujours dans la version longue, il envoie sa Bouche-de-Sauron faire croire qu'il a torturé et exécuté Frodo… Or si tel était le cas, il aurait récupéré son précieux Anneau Unique et il se ferait même pas chier à envoyer un diplomate faire causette ! Coup de bluff honteux ! Quelle tarte, ce Sauron. Je me demande aussi pourquoi il n'a pas envoyé les Neuf Nazguls à dos de leurs bêtes volantes dès le début, ça leur aurait évité de perdre du temps à se noyer comme des cons.
A propos de bêtes volantes, nombre de spectateurs considèrent que la Communauté aurait pu voler à dos d'aigles jusqu'au Mont Doom afin d'y précipiter l'Anneau. A mon avis, non. Sauron est stupide, mais il n'en est pas moins agressif : s'il voit une bande d'Aigles voler tranquillou vers lui, il va les faire cribler de flèches fissa ! Le principe même de la Quête de Frodo est qu'elle devait rester secrète jusqu'au bout… Les Aigles ne pouvaient décemment venir qu'au dernier moment quand c'est déjà la pagaille devant la Porte Noire.
Aboutissement de plusieurs années de travail, Le Retour du Roi a remporté une moisson d'Oscars, et même s'il me plait moins que Les Deux Tours, il a achevé d'imposer l'ami Jackson comme le cinéaste le plus maousse de l'hémisphère sud. Je me rends compte que j'en ai dit plus de mal que de bien, mais ce qui est réussi dans le film tout le monde le sait déjà !
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Appendice : un mot sur l'adaptation.
L'ensemble du récit, sur les trois volumes, est adapté avec une étonnante flexibilité. Tous les moments qui semblent s'en éloigner retombent sur leurs pattes quelques minutes plus tard… Certains changement sont bénéfiques, d'autres dommageables, mais pour la plupart ils sont insignifiants, tant la trame originelle l'emporte.
A ces menus détails près, Le Retour du Roi respecte scrupuleusement le récit de Tolkien. Même si je me demande quel est l'intérêt d'écrire "fils-de-pute" sur le front de Denethor dès son apparition ( alors que dans le livre il est sage et vénérable avant de sombrer dans la folie ) ses agissements eux-même demeurent.
Je déplore l'absence des sympathiques Beregond et son fils Bergil, mais leurs rôles sont remplis par Pippin et Gandalf… Par contre, je trouve bien mieux que Merry soit dans la confidence au sujet de la présence d'Éowyn au champ de bataille. Dans le livre tout le monde est surpris quand elle enlève son casque devant le Roi-Sorcier, mais rétrospectivement ils passent pour des quiches… ( "*Ah non, non j'ai rien vu venir, même si je le trouvais bizarre, ce Dernhelm qui se cache pour pisser… *" )
Et puis, la scène de la Bouche-de-Sauron est bien plus intelligente : il ne vient pas faire croire qu'il a tué Frodo, il vient exposer la conspiration contre lui : "Un gilet de Mithril des Nains et une cape Elfique sur le dos d'un semi-homme de la Comté ? Vous seriez pas en train de vous foutre un peu de ma gueule ?" Et ensuite il les menace de le torturer. Ça fait moins coup de poker désespéré...
Mais en dernière instance, l'adaptation de ce volume est sans nul doute la plus proche des trois… Jusqu'au retour de nos quatre Hobbits dans la comté. A ce moment là… Trahison !
Dans le livre, Saruman ne meurt pas en tombant d'Orthanc alors qu'il chantait Trololo : Gandalf le cloitre et laisse Treebeard jouer les geôliers. Au bout de plusieurs jours, Saruman s'en va tout dépenaillé, et décide pour se venger de ravager la Comté ! Avec une bande de ruffians il entreprend de déraciner les arbres et soumettre les habitants à sa volonté. Nos quatre Hobbits y mettent bon ordre, et tentent à nouveau de le laisser partir dignement, mais c'est là que Grima le plante avant de mourir sous les flèches.
Evidemment, des centaines de milliers de gens ont trouvé que l'épilogue trainait déjà en longueur. Mais si dans le livre il y a près de cent-cinquante pages entre la destruction de l'Anneau et le retour de Sam auprès de Rosie, ça n'est pas uniquement pour s'attarder en compagnie de personnages qu'on a du mal à quitter !
Tout le chapitre du Nettoyage de la Comté est absent, et ça change considérablement le propos même de Tolkien.
Dans le film, on a quatre gaillards partis en guerre pour défendre leur pays, et qui reviennent changés alors que le pays, non. Pour eux qui pensaient pouvoir y vivre "comme avant", ça ne sera pas possible. Frodo devient même incapable d'y rester tant ses aventures l'ont pesé. On rejoint complètement le discours de Rambo I !
Dans le livre, ils reviennent dans un pays méconnaissable, torturé, à l'abandon, et Gandalf les laisse se débrouiller tous seuls cette fois. C'est la fin du Troisième Age, âge de la magie et des sortilèges : L'Anneau Unique n'est plus, le pouvoir des autres Anneaux s'en est allé avec, les Elfes quittent la terre du milieu et il va falloir trimer pour obtenir ce que l'on veut… Tout ce discours est éliminé du film, puisque même après le départ des Elfes et de Gandalf, le monde semble en relative sécurité, alors pourquoi s'en faire ?
Ce segment dans le livre m'a laissé mitigé, car il rejoint le discours de ceux qui au sortir de la Seconde Guerre Mondiale voulaient atomiser l'Allemagne jusqu'au dernier caillou : "Vous voyez c'qui s'passe quand on en laisse UN SEUL en vie ? Il fout sa merde et voilà tout !" mais Gandalf comme Frodo rétablissent la morale en stipulant que même face à la possibilité de grands malheurs à venir, point n'est bon d'exécuter froidement ses ennemis.
J'aurais bien voulu que cet épisode trouve sa place dans les films. Déjà ça aurait justifié l'épilogue qui semble effectivement interminable, mais collé de plus près au sens voulu par l'auteur. Si Peter Jackson et son équipe avaient pris la peine de finir correctement Les Deux Tours, ils n'auraient pas eu plus de quarante minutes de métrage à incorporer dans Le Retour du Roi, et ça aurait été possible ! En plus dans la version courte on peut y croire jusqu'à la fin, vu que Saruman n'apparait pas du tout...
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Créée
le 18 févr. 2013
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