Three movies to bring them all, and in the dark rooms spellbind them

En y repensant, quand Jackson, obscur néo-zélandais a débarqué de son île à Hollywood et a annoncé vouloir adapter le Seigneur des Anneaux, on a bien dû se foutre de sa gueule quand-même. Le chef d’œuvre de Tolkien était tout simplement jugé inadaptable, le nombre d'obstacles techniques étant impressionnant : comment filmer Rivendell, Gollum, Minas Tirith, une armée de 10000 Orcs, des Ents, un Sauron sans visage, le gouffre de Helm, et le tout de façon assez réaliste et intelligente pour que la magie opère et que la Terre du Milieu vive ?


Annonçons la couleur d'emblée : pour moi, pratiquement tout est réussi dans ce film. Le premier élément qui marque durablement, ce sont les paysages magnifiques de la Nouvelle-Zélande, que Jackson a su exploiter à la perfection grâce à de superbes décors. Le travail accompli de ce côté-là, visible dans le making of, est tout simplement bluffant ; c'est une véritable armée de dessinateurs, designers, maquettistes, modélisateurs, botanistes, maçons et peintres en bâtiments, en collaboration avec les dessinateurs attitrés de Tolkien Alan Lee et John Howe, qui a été mise à contribution.


Et la grande réussite, c'est qu'on voit la lumière éclatante sur la verdoyante Comté, idéale pour aller prendre un second petit déjeuner un dimanche matin.
On est ébahi devant la majestueuse et imposante mais lentement décadente Minas Tirith, où les hommes deviennent fous dans des halls de pierre blanche désormais trop grands pour eux.
On cligne des yeux à l'apparition de la paisible Rivendell, on crache l'air impur des landes desséchées du Mordor, on respire même la vague odeur de crottin qui embaume le hall d'Edoras, mais cette armée de concepteurs, on ne la voit pas. La Terre du Milieu a pris vie, fonctionne selon sa géographie propre, elle respire. Le décor est posé.


C'est dans ce décor que vont intervenir une grande variété de personnages. Une compagnie de neuf héros, la "Communauté de l'Anneau", mais aussi de puissants magiciens, des rois ombrageux, un Seigneur des Ténèbres et ses sinistres serviteurs... Tous ou presque sont extrêmement vivants et riches, d'une part parce qu'ils évoluent et se positionnent dans le décor déjà exposé et son lot de races, royaumes et intrigues de pouvoir, d'autre part parce qu'ils sont campés par des acteurs talentueux et surtout bien choisis. Il faut pardonner à Orlando Bloom la vacuité de son regard et se concentrer sur sa grâce elfique. Viggo Mortensen, Sir Christopher Lee, Ian McKellen, prennent entière possession de leur personnage et imposent leur présence à l'écran avec une force remarquable. Les hobbits, eux, respirent l'authenticité (et l'herbe à pipe). Même les acteurs secondaires, je pense aux personnages d'Eomer et Eowyn, à Galadriel, à Denethor et Faramir, à Gryma, sont exceptionnels. Enfin mention spéciale au génial Andy Serkis, qui commence avec ce film une longue série de rôles invisibles en la personne de Gollum.


Les effets spéciaux, révolutionnaires pour l’époque, sont dans l'ensemble réussis et n'ont pas vraiment vieilli en presque 15 ans. Un coup d’œil aux bonus vous convaincra de l'extraordinaire ingéniosité qui a été déployée. La mise en scène, elle, est souvent très intelligente sans être particulièrement originale. Le montage est plutôt parfait : chaque scène dure exactement ce qu'il faut, chaque image a sa place.


Mais ce qui sublime vraiment le film, c'est la bande-son, composées par Howard Shore et interprétées par le London Philharmonic Orchestra.


Des chœurs aériens pour les rois elfes sous le ciel,
Un thème bucolique pour les hobbits et leur bonne chère,
Épique et nostalgique le Gondor plein d'orgueil,
Un violon oublié pour les Rohirrim austères,
Un thème pour le Seigneur ténébreux sur son sombre trône,
Au Royaume de Mordor où s'étendent les ombres
Un thème pour les gouverner tous
Un thème pour les trouver
Un thème pour les amener tous,
et dans les ténèbres les lier...


Mais aussi, moins connu et tout aussi génial, le thème des Ents par exemple.


Bref, pour moi, sans même parler d'histoire et de personnages, l'alchimie paysages-musiques fonctionnera toujours, à la manière d'un Koyaanisqatsi.


Ce film n'est bien sûr pas sans avoir ses détracteurs et heureusement j'ai envie de dire. J'aimerais m'attarder un peu sur la vision des "puristes", tels qu'il sont maintenant communément dénommés. Ceux qui ont lu le livre avant de voir le film, et qui ont tout compris alors que Jackson, lui, n'a rien compris. Je pense qu'ils n'ont pas tort sur toute la ligne : l'ajout de l'amourette entre Aragorn et Arwen, la stéréotypisation de Gimli, le "too much" déjà présent à l'époque chez Jackson, l'importance des scènes de combats et de batailles, témoignent d'une orientation sans conteste grand public. Mais je pense que le Seigneur des Anneaux est un livre suffisamment riche pour pouvoir être compris de diverses manières. Et que pour une adaptation, cette interprétation était la seule viable.


Au delà de cette remarque, je ne pense pas que Tolkien aurait décrié le film. En effet, pour qui connaît bien le bonhomme, le Seigneur des Anneaux (livre) n'est que la partie émergée d'un immense travail, que le Silmarillion lui-même dans son immense complexité ne fait que résumer. C'est un livre qui se focalise sur des évènements qui forment la charnière entre deux âges, en privilégiant le déroulé de l'histoire. Le film lui-même reprend cette logique, et ne fait qu'accentuer ce parti pris du livre : fournir un film accessible en mettant en image cette même Terre du Milieu, en mettant en scène ces évènements "historiques". Jackson a donc sacrifié des détails à la fluidité du film, certes, libre aux plus curieux d'aller en chercher plus.


Finalement ce qui compte pour moi, c'est la formidable identité de la Terre du Milieu que Peter Jackson a su retranscrire. La scène d'introduction "Concerning Hobbits", et les scènes où l'on voit Merry et Pippin fumer leur pipe ou Sam cuisiner son lapin établissent merveilleusement l'insouciance heureuse des hobbits. L'enterrement de Theodred et les somptueux décors d'Edoras, eux, rendent hommage au mode de vie des Rohirrim. Ce film transpire l'amour d'une équipe entière pour l’œuvre de Tolkien. Tout au fil de la trilogie, des anecdotes racontées au détour d'une scène contribuent à étoffer le "background", et, loin d'être de simples clins d’œils aux fans, contribuent à la profondeur de l’œuvre.


Ainsi, dans ce film, la Terre du Milieu a sa géographie physique et humaine, sa "biogéographie" avec des écosystèmes différents selon les régions, sa géopolitique avec différentes factions motivées par des raisons diverses, son histoire bien sûr ; seule la mythologie est peu développée me semble-t-il.


S'il est nécessaire de le préciser, je parle dans cette critique de la trilogie entière, c'est à dire les 11 heures des trois films en version longue. En effet la trilogie forme incontestablement un tout indissociable, et aucun des films n'a d'intérêt pris individuellement sans les deux autres. Le découpage en trois films, tout comme le découpage des livres d'ailleurs, est artificiel et uniquement motivé par une réluctance présumée du public a payer pour une séance de 11h projetant l'adaptation d'un roman des années 1950 par un obscur réalisateur néo-zélandais.


Il me semble, de ce point de vue, fort peu urbain que le film Les Deux Tours ne bénéficie que d'une moyenne de 7,7 alors que les deux autres parties de la trilogie jouissent, elles d'un 7,8, aussi j'enjoins les responsables de cette aberration à y remédier au plus vite. D'autant que c'est dans cet opus que se trouvent certaines des plus belles scènes, qu'il est centré sur le Rohan qui est selon moi le plus réussi des royaumes traversés par la compagnie, qu'on y entend les plus belles musiques, et qu'il se clôt par une bataille en trois lieux : le gouffre de Helm, Isengard et Osgiliath, avec cette magnifique phrase de Sam, mais je m'emporte.


Enfin, aussi exceptionnelle et aussi longue que soit cette trilogie, "that still counts as one !"

Créée

le 7 mars 2014

Modifiée

le 7 mars 2014

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Nordkapp

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