Je vais commencer fort: je préfère les films aux livres.
Je sais, c'est sacrilège.
Pourtant, en écrivant ça, j'ai bien conscience que le livre a marqué a sa manière l'histoire de la littérature en générale (et de l'heroic fantasy en particulier) alors que le film... n'a pratiquement rien révolutionné.
Mais comment dire ? Les livres ont à chaque fois provoqué chez moi un mélange de plaisir (souvent) mais aussi d'ennui (parfois). Des scènes parfois trop longues, quelques personnages un peu trop appuyés, et les grands moments... qui laissaient trop de place a notre imagination (et j'ai bien conscience que ce genre de reproche peut paraître paradoxal quand on parle de lecture).
Enfin, un background certes étoffé et passionnant mais demandant une grande érudition particulière. En gros, si on a une vie a consacrer a l'œuvre (et j'ai côtoyé des copains qui...) c'est génial, mais si le seigneur des anneaux est juste une lecture parmi d'autres au cours d'une vie, c'est un peu...trop riche.
Et s'il y a une chose, dernier point, pour laquelle une partie de l'humanité (les nerds, les adulecents, les hard-rockers, les rôlistes et tant d'autres) peut et doit être redevable à MÔSSIEUR TOLKIEN c'est bien d'avoir contribué, en transcendant les contes et légendes anglo-saxonnes, en magnifiant la tradition orale locale, à initier et donner un vrai envol à la littérature fantastique, à l'aube des années 50. Or, il a souvent été fait mieux dans le domaine depuis, ou si pas mieux (je m'apprête déjà à lire les posts d'insultes "comment ? QUI a jamais fait mieux ?") en tout cas plus moderne, plus fou, plus inventif...
Maintenant que je me suis fait plein d'amis, abordons à présent sereinement les versions cinématographiques de l'ami Peter Jackson.
Comment "Le Seigneur des Anneaux" peut-il pour moi se révéler à la fois plus fort que le livre, et mériter une telle note ?
LA raison essentielle tient en une constatation simple: j'ai enfin vu, en voyant cette trilogie (et en particulier "les deux tours", nous y reviendrons plus loin) ce que je rêvais de voir depuis que j'étais gamin.
Jamais jusqu'alors je n'avais pris un tel pied en voyant une (ou deux) batailles phénoménales avec des mecs (et accessoirement quelque créatures grimaçantes et bosselées) en armures, épées, arcs et flèches. Et c'est d'ailleurs en cela que la trilogie des terres du milieu s'est révélée être supérieure pour moi à celle de Star Wars: elle faisait remonter des sentiments et une euphorie propre à la quintessence de l'enfance. De MON enfance, en tout cas. Celle d'un p'tit gars qui a passé une partie de ses vertes années à courir la campagne en rêvant d'occire le méchant, qu'il ait la forme d'un Orc, d'un indien (quand on est jeune on a pas encore conscience du monde tel qu'il est), d'un pirate ou frisé boutonneux qui t'as filé une mandale à la dernière récré.
Derrière ce premier constat, plein de choses viennent enrichir l'impression jouissive première, et, pour ne citer que les principaux:
- les trois films ont une durée propre à respecter l'œuvre.
- Le soin donné aux costumes, aux décors, aux maquillages est vraiment à la hauteur de l'attente des générations qui, anxieuses, voulaient un résultat au minimum non décevant.
- Des acteurs qui font plutôt très bien le job, avec une mention spéciale au Viggo qui incarne un Aragorn quasi parfait.
Donc grand satisfecit pour cette trilogie dont la conception folle a enfanté un bébé qui inspire le respect. D'autant plus, d'ailleurs, que nombre de scènes hyper casse-gueules ont évité les nombreux écueils qui lui tendaient les bras (la rivière, le balrog pour n'évoquer que le premier opus...)
Et donc, enfin, pourquoi "les deux tours" plus que les deux autres chapitres ?
Principalement pour deux raisons:
1) la bataille du gouffre de Helm constitue un véritable traumatisme par rapport à ce que je décrivais plus haut: ZE bataille que j'attendais depuis quarante ans. Si son équivalent (le siège de Minas Tirith) dans "le retour du roi" est sans doute encore plus fort, la claque avait déjà été administrée. Le choc avait déjà été subi.
2) la musique. D'une richesse absolue tout le long de la trilogie (a ce sujet, voir les bonus et notamment comment les parties des versions longues ont été ajoutées au fur et à mesure est relativement scotchant), elle atteint un petit sommet sur la dernière demi-heure du film, avec un point d'orgue au cours du générique de fin qui clôt un final qui donne des frissons sur tout le dernier quart d'heure (contrairement à celui du "retour du roi" beaucoup trop long) et dont l'interprétation de Emiliana Torrini (gollum's song) est sidérante.
Régressif (mais dans le bon sens du terme, si cela est possible), spectaculaire (et pour une fois le mot n'est pas galvaudé), immersif, total.
"Les deux tours" constitue un chapitre absolu, incontournable, de l'histoire du cinéma "qui raconte des trucs même pas possibles qu'on aime se raconter quand on est un petit garçon qui rêve à des horizons imaginaires lointains..." Un must, quoi.