« There's some good in this world, and it's worth fighting for »
Après le succès extraordinaire rencontré par Peter Jackson avec le premier volet de sa trilogie Le Seigneur des Anneaux, tout laissait espérer une aussi belle réussite avec les Deux Tours, peut-être même une montée en puissance, en adéquation avec celle du récit littéraire. Comme pour ma critique de la communauté de l’anneau, je vais d’ailleurs surtout parler ici du scénario du film en tant qu’adaptation et en voir les qualités filmiques à proprement parler et je vous renvoie vers ma critique du livre les deux tours qu’il vaut mieux lire avant celle-ci. Pour celles et ceux qui sont restés, laissez-moi vous expliquer pourquoi Les Tours est mon film préféré de la trilogie et l’un de mes films préférés toute catégorie confondue.
RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★★★
La scène d'introduction est déjà extra-ordinaire, revenant sur l'une des scènes cultes du premier film mais sous un angle d’abord contemplatif avec cette balade aérienne dans les montagnes enneigées où les répliques ne sont que lointains échos avant que la scène ne fasse irruption dans une version plus longue avec l’épique combat entre Gandalf et Balrog lors d'une chute vertigineuse avec ses flammes dansant autour du magicien l’arme au poing. Un tel affrontement pouvait sembler voué à l’échec si porté à l’écran, tant la différence de taille le rendait difficile à mettre en scène, et pourtant c’est une superbe entrée en matière. On comprend bien d’entrée de jeu que la superbe de la réalisation de la communauté marquera tout autant les Deux tours qui a pourtant ses propres tours de force.
C’est d’abord le premier film de la trilogie à mettre en scène une bataille de vaste ampleur sur une durée conséquente et si elle n’est pas aussi démesurée que pour le prochain film, elle est très efficace en ne cessant d’alterner des touches d’humour, des morts dramatiques, du grand spectacle et des moments de bravoure avec un montage intelligent pour que le rythme soit équilibré et que les différents registres ne se neutralisent pas. Je comprend que des fans aient été déçu(e)s de la direction décomplexée prise par la mise en scène de certains affrontements, notamment ceux concernant Légolas qui commence avec ce film ses cascades improbables. Personnellement, j’y adhère bien puisque ça permet de le distinguer des autres elfes plus traditionnels et ça ajoute au grand spectacle un humour et une imprévisibilité que je lui apprécie.
L’un des plus grands défis techniques du film fut la motion-capture pour Gollum qui fut tout simplement une nouvelle référence dans le milieu cinéma, elle a su donner vie au personnage d’une manière dépassant tout ce qui avait pu être vu jusqu’ici. Les dialogues avec lui profiteront également de choix de mise en scène discrets mais aidant bien les spectateurs à identifier sa personnalité du moment, ce qui parfait le travail incroyable de réalisation. L’animation des Ents, et notamment celle de Sylvebarbe, n’est pas non plus à négliger dans ce registre ayant ses propres contraintes, d’autant que permettre à des arbres de bouger et de parler sans tomber dans le ridicule n’était pas une mince affaire.
Peter Jackson parle de ce défi ainsi :
Il nous a fallu trouver un juste milieu entre la mobilité d’un visage et la rigidité du bois qui est l’apanage de Sylvebarbe. Nous n’avons pas essayé de lui donner une multitude d’expressions car plus il aurait de mimiques, moins il ressemblerait à un arbre.
Sans surprise, les lieux dépeints le sont de manière tout aussi splendide que dans le précédent film avec un excellent mélange de décors réels et d’images de synthèse pour donner corps aux grandes constructions comme le Gouffre de Helm superbement filmé par les plans d’ensemble. Peter Jackson s’inspirant même de références historiques marquantes comme les films de propagande des discours nazis à Nuremberg pour la scène d’hystérie collective en Isengard avec ces plans de foule acclamant la déclaration de guerre. Pour les fans du livre voulant le respect le plus absolu des longues descriptions de Tolkien, il est tout de même à noter que les grandes prairies du Rohan, l’un des environnements les plus importants du film, furent partie des rares environnements majeurs de la trilogie à ne pas avoir de décors naturels parfaitement appropriés en Nouvelle-Zélande.
C’est la raison pour laquelle ces rochers parsèment tant ces décors, mais je ne vais pas reprocher un détail si futile. Par ailleurs, maquillages et costumes sont toujours aussi exceptionnels, que ce soit l’apparence décrépie du roi Théoden corrompue par la magie de Saroumane, le teint sinistre à l’excès de Gríma Langue de serpent, les armures d’inspiration scandinave des Rohirrims, le vieillissement d’Aragorn pour la vision de sa mort à son grand âge… Ce n’est pas surprenant mais ça n’en reste pas moins une formidable qualité qui ne doit pas être oubliée.
L’OST, toujours composée par Howard Shore bien évidemment, contribue grandement à cette réussite également. Dès la première musique de l’OST, Fondation of Stone, on retrouve le sublime mélange d’harmonie, de mélancolie et de souffle épique se succédant magnifiquement. Par la suite, les chants d’Evenstar seront parmi les plus beaux de la saga, les premières notes de Forbidden Pool seront terriblement anxiogènes, les chœurs d’Isengard Unleashed offrent un souffle épique à l’action… c’est tout simplement grandiose, au service de la puissance d’un récit qui l’est tout autant.
SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★★★☆
Comme je l’ai déjà précisé, je vais accorder une grande importance dans cette critique aux choix d’adaptation et le premier choix d’adaptation majeur du film par rapport au livre c’est un rythme alternant les points de vue constamment sans jamais trop s’attarder sur une intrigue précise, là où le livre avait scindé le récit en 2 pour plus de clarté. Comme c’est le cas la plupart du temps pour cette trilogie, je préfère ce choix d’adaptation à celui du bouquin, c’est ici plus audacieux et mieux rythmé, les différentes intrigues semblant se répondre mutuellement quand les ambiances mélancoliques, épiques ou harmonieuses sont vécus en même temps par les personnages vivant chacun leur aventure.
La culture des Ents est un peu moins détaillée que dans le livre et même un peu transformée avec beaucoup plus d’hésitation pour eux avant de partir en guerre. D’un côté, je trouve un peu dommage de ne pas avoir apporter plus d’explications pour cet univers, même dans la version longue. De l’autre côté, cette hésitation plus longue sert un intérêt narratif certain avec un rôle plus déterminant pour Merry et Pippin qui par leur courage l’inspire aux autres et contribuent grandement à la victoire qui semblait pourtant hors de leur portée, renforçant le message central de l’intrigue de la trilogie.
Beaucoup moins sage que dans le livre, j’apprécie davantage le traitement plus nuancé de Faramir qui est tiraillé par ce qu’il estime être juste et son besoin d’être reconnu par son père. Si ça peut le rendre moins attachant, ça lui permet d’avoir une vraie personnalité, de donner un écho supplémentaire à la disparition de Boromir et j’en trouve le personnage meilleur. Qui plus est, le pouvoir corrupteur de l’anneau est le cœur de l’intrigue de cette trilogie, le voir à l’œuvre à nouveau avec Faramir n’est pas sans intérêt pour souligner l’extra-ordinaire force de caractère de Frodon, supérieure à la plupart.
La bataille avec les loups de l’Isengard et la prétendue mort d’Aragorn permettent certes d’injecter de l’action pour le spectacle, mais aussi de renforcer sa relation avec Arwen vers qui ses pensées se tournent, son lien avec son cheval qu’il venait d’apprivoiser par ses talents de rôdeur qu’il est bon de rappeler, les sentiments d’Eowyn dévastée par la funeste nouvelle… Je ne comprends pas trop pourquoi ce choix ne fut pas très apprécié des fans. Le renfort des elfes lors de la bataille du gouffre de Helm me semble être également une bonne idée d’adaptation puisqu’il permet d’impliquer davantage les elfes dans l’intrigue sans non plus trop s’éloigner des intentions de Tolkien mettant l’accent sur les humains qui restent les éléments centraux du récit.
La version longue du film est très cohérente par rapport à celle du premier film, en poursuivant ainsi des éléments propres à celle-ci comme la corde elfique de Sam qu’il met à profit dans les scènes additionnelles de ce film-ci. C’est à la fois un détail futile et un détail montrant à lui seul toute la cohérence du montage entre les 2 versions, et ça n’est pas le seul exemple à cette réussite. Je regrette juste que quelques scènes sur Gollum qui me semblent importantes pour bien comprendre son comportement aient été relayées dans la version longue, au détriment de la version cinéma.
Concernant les nouveaux venus au casting, m’étant déjà épanché sur les acteurs du premier film dans ma critique dédiée, une première performance se détache de toute autre. Andy Serkis réalise, avec l’aide des formidables idées de montage et réussites techniques mentionnées plus tôt, une prestation tout simplement incroyable pour le personnage de Gollum et son hyper-expressivité, sa double personnalité… en plus de voix additionnelles pour orques et Uruk-Hai très différentes les unes des autres. Mais les autres ne doivent pas être oubliés pour autant. Miranda Otto est bluffante dans le subtil équilibre entre le charme et la combativité d’Eowin, Bernard Hill porte à lui seul avec Theoden l’une des scènes les plus émouvantes de la trilogie lors des funéraille et Karl Urban incarne assez justement toute la force du personnage d’Eomer.
CONCLUSION : ★★★★★★★★★☆
Reconduisant les qualités de réalisation et de direction artistique extra-ordinaires du premier film en réussissant haut la main de nouveaux défis technologiques, poursuivant un travail de réadaptation auquel j’adhère tellement sur quasiment tous les points, Peter Jackson réalise avec les Deux Tours la superbe que je lui préfère pour cette si formidable trilogie du seigneur des anneaux, même si c’est toute la trilogie que j’apprécie grandement bien entendu.