Alors que Peter Jackson a déjà cumulé pas moins de 4 Oscars dont celui de meilleur film pour le premier volet de la saga du Seigneur des anneaux et qu’il s’est imposé sans mal dans de nombreux festivals, l’auteur de Créature Célestes s’apprête à faire une rebelote à la sortie du deuxième filmé au même moment que La Communauté de l’anneau.
Un second volet qui, comme tout film ancré dans la culture populaire, a sa dose de bonne petite histoire de tournage ou de réalisation. Notamment la blessure de Viggo Mortensen quand il tape sur le casque d’un guerrier orc tué il y a peu et d’autres acteurs du casting qui s’en prit plein la gueule à l’occasion, Orlando Bloom et Bernard Hill par exemple, le premier ayant fait une mauvaise chute de cheval et le second s’étant blessé à l’épée. Et pour ne pas rester que dans les mauvais souvenirs et autres moments bien douloureux pour le casting, sachez que Peter Jackson a supervisé le tournage par satellite en fonction des trois sous-intrigues des Deux Tours et suivre de près ou de loin ce qui se passait à gauche comme à droite (on peut même le voir en caméo lors de la bataille du gouffre de Helm quand il envoi une lance sur un Urukai). Bref, pas besoin de faire un gros pavé pour dire que tourner 90% du film avec des décors naturels ou construits et réduire les effets numériques et le tournage en plateau, c’était tout sauf simple et que l’autodidacte qu’est Jackson en a bien chié.
Donc, l’homme sortit de nulle part (oui, j’aime l’appeler comme ça) se lance ici dans le second tiers de cette épopée fantastique et guerrière avec trois histoires qu’il doit mettre réussir à mener à son terme en gardant son auditoire en haleine : la première est celle du voyage de Frodon et Sam jusqu’au Mordor ainsi que leur rencontre avec le tragiquement célèbre Gollum/Sméagol, la seconde concerne la captivité de Merry et Pippin avec la troupe d’Orc ainsi que leur fuite, enfin la troisième concerne la lutte du Rohan contre l’invasion d’Isengard et de l’armée du Mordor aux côtés d’Aragorn, Legolas l’elfe aux cabrioles joyeusement improbable et Gimli le nain.
La première sous-intrigue du film est de peu la moins prenante des 3 histoires. Le fait étant que contrairement au premier film on ne suit plus un grand groupe de personnage et que désormais, la plupart d’entre eux doivent faire leur preuve en tant qu’individu dans cet univers. Si Frodon gagne en ambiguïté et empathie grâce à l’influence de plus en plus forte de l’anneau et la pitié qu’il éprouve envers l’esprit annihilé et perturbé qu’est Gollum, Sam lui dépasse rarement le rôle de protecteur de son compagnon hobbit et ses interactions envers Gollum se réduisent très souvent à lui faire des remontrances et à se méfier de lui. A juste titre certes mais des membres de la communauté de l’anneau, ce n’était pas les membres auxquels je m’attachais le plus et j’étais bien plus attiré par Aragorn ou Gandalf. Mais cette sous-intrigue est largement justifié par deux choses : la première est l’introduction de la toute première créature en performance capture Gollum/Sméagol (joué par un charismatique Andy Serkis bien avant de devenir le Ceasar des reboots de La Planète des Singes), celui qui est inexorablement lié à l’anneau et qui, même maintenant, parvient à sembler être tout ce qu’il y a de plus réel.
Beaucoup d’ailleurs ont déjà parlé de la fameuse scène ou Gollum/Sméagol est en conflit avec lui-même lors du fameux champ/contre-champ de nuit lorsqu’il se parle à lui-même : Gollum étant situé à droite de l’image et Sméagol à gauche pour marquer la rupture de caractère entre ces deux personnalités. Puis la seconde est l’introduction de Faramir, frère de Boromir qui a eu droit à un ajout de background appréciable dans la version longue (montrant en Faramir un frère aimant mais méprisant son père lui préférant son frère aîné), lui-même tenté par la possession de l’anneau et qui mène la résistance contre les troupes du Mordor de son côté.
La deuxième sous-intrigue, celle de Merry et Pippin, se suit avec un peu plus d’intérêt que pour la première. Déjà parce que ces deux hobbits ont un gros capital sympathie, mais surtout ils font preuve de davantage de maturité et se voient même contraint de changer le cours d’une bataille et, en prime, de la troisième sous-intrigue en convaincant les Ents, arbres géants vieux de plusieurs centaines d’années de mener bataille contre Saroumane et les troupes d’Isengard. C’est d’ailleurs la seule intrigue qui soit lié à la troisième, en plus d’agrandir un peu plus l’univers de La Terre du Milieu en y ajoutant l’existence des Ents et un brin du passé de Saroumane avant d’être séduit par la puissance du Mordor et de Sauron. Les effets visuels des arbres géant ont prit quelques rides mais restent quand même très bien conservés au bout de 15 ans.
Et enfin, la troisième sous-intrigue (et celle qui m’intéresse le plus, subjectivement) : l’invasion de l’armée du Mordor sur les terres du Rohan et la lutte du trio Aragorn/Legolas/Gimli ainsi que le retour de meilleur magicien du monde qui a été pleinement dévoilé dans la bande annonce. C’est typiquement cette partie qui introduit le plus de nouveauté dans l’univers de la Terre du Milieu et qui retranscrit au mieux ce que le film dégage pendant une grande partie du temps : le désespoir et la chute des hommes et des autres formes de vie qui semble de plus en plus inéluctable à chaque instant. Ils sont présents chaque fois qu’une nouvelle forme de menace apparaît tel une charge de Ouargue ou une armée démesurément nombreuse, ils apparaissent lorsqu’un brin d’espoir semble se manifester comme le retour à la raison du roi Théoden ou l’aide insoupçonné des elfes lors de la bataille du gouffre de Helm.
Une lutte entre espoir et désespoir renforcé et appuyé par la musique d’un Howard Shore toujours aussi inspiré qui n’hésite pas à pousser les chœurs célestes pour rendre les effets dramatiques saisissant. Réutilisant d’ailleurs adroitement les thèmes du premier film en plus d’en créer de nouveaux tout aussi somptueux à l’image de celui de la cité d’Edoras ou des adieux entre Aragorn et Arwen.
Même si Aragorn ou Legolas n’ont pas énormément d’évolution en tant que personnage, on a eu le temps de s’attacher à eux dans le premier film et Aragorn continue d’avoir un peu plus de background à travers sa romance auprès d’Arwen lors des flash-back. Gimli se confirme davantage en tant qu’élément de détente sans pour autant perdre sa prestance en tant que guerrier et je me lasserais jamais de voir Orlando Bloom fait ses cabrioles tous plus loufoques et unes que les autres que ça soit du skate sur bouclier d’Urukai ou trancher une corde d’échelle avec une seule flèche (si avec ça on me dit qu’on ne reconnait pas les films de Peter Jackson, je veux bien me faire pape).
Le cinéaste continuait de montrer qu’il avait un sens du spectacle mais aussi un sens pour l’invitation au voyage : étant donné qu’il réduisait autant que possible les scènes tournés en image de synthèse et à effets numériques. Les combats restent toujours aussi puissant et semblent toujours aussi réelle, le casting est aux petits oignons, les nouvelles têtes introduites réussis, la bande-son grandiose et même si ça perd légèrement en fraîcheur par rapport au premier volet, on sent inévitablement que le grand dénouement approche et la fresque prend de plus en plus une forme et un fond très complet puisque Jackson semble avoir pensé au moindre détail le déroulement de sa trilogie avec ce qu’il installe pour le dernier film (à l’image des Olifant qui font une brève apparition).
Difficile d’imaginer que le troisième volet peut aller plus loin quand on voit le niveau de cette suite très poussée, mais pourtant le meilleur (et paradoxalement le plus exagéré) était à venir.