Comme Wim Wenders, c’est un peu par hasard que j’ai découvert Sebastiao Salgado en 2006 lors d’une expo sur Lille. Comme lui, j’ai été impressionné par ces instantanés de vie, de mort où l’humain dans toute son humilité semble être l’unique préoccupation du photographe. Il était donc logique que ces deux là se rencontrent autour d’un projet. On connaît la fascination de Wenders pour la photo (comment ne pas se souvenir du travail extraordinaire sur les cadres et la lumière qu’il a réalisé avec Henri Alekan sur « Les ailes du désir »). C’est cette connaissance et cette sensitivité qui lui permettent de monter cette suggestive rétrospective à Salgado, le film en écrin, une sorte de galerie de vie.

« Le sel de la terre » se compose en deux parties. La première, de loin la mieux réussie, traite chronologiquement « les grandes séries » du photographe, telles « La mine d’or de Perra Selada », « La main de l’homme », « Exodus », tout en distillant (quelques éléments de sa vie personnelle. Aux images d’actualité, se juxtaposent les clichés de l’artiste, frappant au cœur et aux esprits.

La seconde partie marque la rupture avec « Genesis ». Salgado, horrifié par ce qu’il a vu (Rwanda entre autre) a perdu la foi en l’homme et s’oriente vers la nature, non pas celle que l’homme détruit un peu plus chaque jour, mais celle, merveilleuse, dont on a hérité depuis la genèse. Moins convaincante dans son propos un poil « new age » (le projet de plantation semble surtout être celui de son épouse), on se rend compte que Salgado ne peut s’empêcher de s’intéresser à l’homme et les quelques clichés de ces tribus perdues, ou peuple isolés sont mille fois plus percutants que ceux consacrés à la faune ou la flore. Wenders, qui co-réalise le documentaire avec de fils de Salgado, est un homme profondément humble et bon.

Malgré l’incroyable carrière qu’on lui connaît, il semble être, face au photographe, comme un enfant devant le maître. Il lui susurre son admiration et lui rend le plus touchant des hommages.
Fritz_Langueur
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de 2014 et Oscar du meilleur film 2015

Créée

le 27 oct. 2014

Critique lue 432 fois

9 j'aime

1 commentaire

Fritz Langueur

Écrit par

Critique lue 432 fois

9
1

D'autres avis sur Le Sel de la terre

Le Sel de la terre
Krokodebil
10

Le sel de nos larmes

Wim Wenders a toujours alterné, comme son compatriote Herzog d'ailleurs, entre documentaires et films de fiction. Sauf qu'à l'inverse d'un Herzog dont la production fictionnelle est régulière ces...

le 5 nov. 2014

32 j'aime

4

Le Sel de la terre
Anomaly
9

Pour ne pas oublier : mémoire d'un photographe

Le Sel de la Terre est un film documentaire coréalisé par Wim Wenders et Juliano Ribeiro, sorti en France en 2014, présenté au Festival de Cannes dans la section "Un Certain Regard". Trois narrateurs...

le 21 juin 2016

27 j'aime

6

Le Sel de la terre
Hypérion
6

L’hagiographie mal fagottée

"Le Sel de la Terre" est un documentaire retraçant la vie de Sebastião Salgado, photographe s'impliquant plusieurs années sur des projets au long cours tout autour du globe. Terribles et magnifiques,...

le 5 déc. 2014

19 j'aime

2

Du même critique

Ni juge, ni soumise
Fritz_Langueur
8

On ne juge pas un crapaud à le voir sauter !

Ce n'est pas sans un certain plaisir que l'on retrouve le juge d'instruction Anne Gruwez qui a déjà fait l'objet d'un reportage pour l'émission Strip-tease en 2011. Sept ans après, ce juge totalement...

le 12 févr. 2018

59 j'aime

7

120 battements par minute
Fritz_Langueur
10

Sean, Nathan, Sophie et les autres...

Qu’il est difficile d’appréhender un avis sur une œuvre dont la fiction se mêle aux souvenirs de mon propre vécu, où une situation, quelques mots ou bien encore des personnages semblent tout droit...

le 24 août 2017

56 j'aime

10

Tale of Tales
Fritz_Langueur
9

La princesse aux petites poisses...

Indiscutablement « Tale of tales » sera le film le plus controversé de l’année 2015, accueil mitigé a Cannes, critique divisée et premiers ressentis de spectateurs contrastés. Me moquant éperdument...

le 3 juil. 2015

48 j'aime

11