Le Sel de la terre par Fritz Langueur
Comme Wim Wenders, c’est un peu par hasard que j’ai découvert Sebastiao Salgado en 2006 lors d’une expo sur Lille. Comme lui, j’ai été impressionné par ces instantanés de vie, de mort où l’humain dans toute son humilité semble être l’unique préoccupation du photographe. Il était donc logique que ces deux là se rencontrent autour d’un projet. On connaît la fascination de Wenders pour la photo (comment ne pas se souvenir du travail extraordinaire sur les cadres et la lumière qu’il a réalisé avec Henri Alekan sur « Les ailes du désir »). C’est cette connaissance et cette sensitivité qui lui permettent de monter cette suggestive rétrospective à Salgado, le film en écrin, une sorte de galerie de vie.
« Le sel de la terre » se compose en deux parties. La première, de loin la mieux réussie, traite chronologiquement « les grandes séries » du photographe, telles « La mine d’or de Perra Selada », « La main de l’homme », « Exodus », tout en distillant (quelques éléments de sa vie personnelle. Aux images d’actualité, se juxtaposent les clichés de l’artiste, frappant au cœur et aux esprits.
La seconde partie marque la rupture avec « Genesis ». Salgado, horrifié par ce qu’il a vu (Rwanda entre autre) a perdu la foi en l’homme et s’oriente vers la nature, non pas celle que l’homme détruit un peu plus chaque jour, mais celle, merveilleuse, dont on a hérité depuis la genèse. Moins convaincante dans son propos un poil « new age » (le projet de plantation semble surtout être celui de son épouse), on se rend compte que Salgado ne peut s’empêcher de s’intéresser à l’homme et les quelques clichés de ces tribus perdues, ou peuple isolés sont mille fois plus percutants que ceux consacrés à la faune ou la flore. Wenders, qui co-réalise le documentaire avec de fils de Salgado, est un homme profondément humble et bon.
Malgré l’incroyable carrière qu’on lui connaît, il semble être, face au photographe, comme un enfant devant le maître. Il lui susurre son admiration et lui rend le plus touchant des hommages.