Après Intouchables et Samba, le duo dynamique Toledano-Nakache revient avec un film choral centré autour de Jean-Pierre Bacri. Il est comme le soleil du film autour duquel tourne des planètes et des satellites. Tout ce beau monde est placé dans une galaxie de sous-intrigues, de gags et de bons mots. Enfin le film garde une patte social typiquement française et qui parle des difficultés des patrons de PME/PMI (de « petite structure » comme le dit Max, le personnage principal) et du monde du travail. C’est sur son côté social que le spectateur est en droit de se poser des questions sur le propos implicite de l’œuvre. En tous les cas, cela ne gâche en rien l’immense plaisir de voir M. Bacri et ses convives nous régaler pendant près de deux heures de film.
En entrée : L’envers du décor
L’idée de base du scénario est celle toute simple mais efficace. Il s’agit de voir les coulisses d’un mariage du côté de l’entreprise qui organise la réception « clef en main ». En chef d’orchestre, Max (Jean-Pierre Bacri), à ses côtés, son assistante Adèle (Eye Haïdara), son ami photographe Guy (Jean-Paul Rouve), son cousin (Vincent Macaigne), ainsi qu’une pléiade de serveurs, maîtres d’hôtel et … un chanteur-animateur de soirée (Gilles Lellouche). Beaucoup de plans sont filmés près, cadrages rapproché ou à l’américaine, pour être aux côtés des personnages. Cet état de fait permet aux plans larges de prendre d’autant plus de sens ; d’avoir plus d’impact. La scène où Max parle avec force à son équipe, en pleine nuit, seul à tenir une torche à la main, en est la plus belle preuve. L’alternance caméra à l’épaule/plan rapproché, permet de d’insuffler toute la tension dont a besoin ce moment charnière. Le retour à un panorama où l’on retrouve Max au milieu de la nuit, seul avec sa lumière portative, tranche avec les plans précédents et donne un sentiment de solitude et pourtant d’apaisement. La torche au milieu de l’obscurité est un symbole simple mais fort qui fonctionne dans le langage cinématographique proposé.
En résumé, les scènes s’enchaînent de manière aisée sans véritable temps mort.
Le plat : comédie française à la sauce sociale
Ce n’est pas un secret, il y a une tradition française de cinéma social depuis au moins les années 30 et le réalisme poétique. Ici on nous parle d’une petite structure qui organise des mariages et qui souffre des charges sociales. On n’oublie pas non plus les travailleurs en parlant de leur condition de travail, du travail au noir, même si tout est fait avec humour et tendresse. La réalisation en tire beaucoup de situations cocasses et justes.
Pourtant c’est aussi dans ce domaine qu’on peut émettre certains doutes. Les rôles dévolues à certaines ethnies peuvent être sujet à caution. En effet il y a par exemple un personnage nommé Nabil qui est là pour effectuer le même type de gag qui consiste à ouvrir la bouche pour enfoncer des portes ouvertes. Il a visiblement peu d’esprit. Aurait-il pu s’appeler Paul ? Difficile à dire mais on peut noter pour être équitable dans notre interrogation qu’il y a un autre personnage qui joue sur le fait d’être peu vivace d’esprit pour provoquer des rires et qui s’appelle …Samy. De plus, les deux personnages pakistanais ont un rôle diffus et pourtant central et par leur truchement on montre à quel point des gens, musiciens dans leur pays, doivent accepter des emplois non déclarés pour survivre en France. Par leur biais aussi, le scénario égratigne gentiment le comportement amoureux français.
Au final la question demeure mais en tous les cas, le mélange des gens d’horizons différents dans la restauration, particulièrement en région parisienne, est tout à fait réaliste.
En dessert : un parfait Bacri
Si le film donne l’impression de tourner autour de Bacri, d’avoir été écrit pour Bacri c’est parce qu’il est comme un Roi Soleil désabusé (comme de coutume), qui joue sa vie à chaque soirée, au milieu d’acteurs qui crient fréquemment son nom. Et cette image n’est pas fortuite car tous les serveurs de la soirée qui nous est contée sont habillés en laquais. Allusion aussi à leur statut de travailleurs précaires ?
Il paraît pourtant fatigué et amaigri à l’image. Toutefois, ce qui n’est pas amoindri, c’est son talent. Éclatant, affûte, bien nourri des répliques des scénaristes, la grande majorité du temps il ne lui reste plus qu’à appuyer sur la détente sans forcer. En réalité, il y en a peu comme Jean-Pierre Bacri. Tout comme Louis de Funès avait créé son propre style en son temps, au point de pouvoir lui reprocher de faire la même chose métrage après métrage, l’acteur français taciturne a lui aussi créé son style. Tout comme De Funès, quand Bacri ne sera plus là, plus personne ne pourra faire ce qu’il fait. Il joue souvent le même genre de rôle, c’est vrai mais il est le seul à pouvoir le faire de cette manière. Et avec cet art. Chapeau bas et à bientôt l’artiste.
Bonus : mon avis juste après le film, à chaud et en impro !
Avis à chaud sur #leSensdelaFete