Après le succès incroyable d'Intouchables (plus de 19 millions d'entrées, sans compter la bonne réception à l'international et le remake américain), le duo Eric Toledano / Olivier Nakache était attendu au tournant. Ce qui n'a pas duré très longtemps, puisque Samba (2014) s'est révélé être une sacrée déception, ne savant jamais réellement où se situer (chronique sociale, romance contrariée, les deux ?). La mauvaise passe aurait pu continuer avec Le sens de la fête, mais il n'en fut rien.
Là où les réalisateurs avaient misé jusqu'à présent sur des chroniques sur plusieurs semaines, voire mois, ici l'action se déroule sur une seule journée, le temps d'un mariage. On suit les préparatifs sur le lieu même, avant la grande réception. Le duo mise sur un lot de personnages large, s'intéressant aussi bien au chef de cérémonie qu'à son personnel (serveurs, photographe, cuisiniers, musiciens), sans compter les mariés, leur entourage et parfois des invités spéciaux. Des personnages aux caractères tous bien trempés, avec le lot de conflits qui va avec : le chanteur ne s'entend pas avec la chef des serveurs (Gilles Lellouche et Eye Haïdara), la maîtresse du chef (Suzanne Clément) le rend jaloux en discutant avec un serveur (Kevin Azaïs), le marié n'est pas commode avec le personnel (Benjamin Lavernhe), le beau-frère du chef (Vincent Macaigne) est une connaissance de la mariée (Judith Chemla) et en est amoureux, un rasoir entraîne des problèmes de plats...
Petit à petit, le mariage devient un joyeux bordel où l'égo de chacun explose dans une farandole de casseroles, la plus belle étant celle de l'exercice de voltige, état de grâce se terminant de la manière la plus cocasse possible en jouant uniquement sur la musique. Les personnages ne sont clairement pas parfaits à l'image du personnage principal. Jean-Pierre Bacri incarne un magouilleur de première, comme bien souvent râleur, essayant de se dépatouiller des problèmes en tous genres qui se cumulent. Des problèmes dont il est parfois le principal responsable. Certains n'y ont vu qu'un droitard dont le discours sert la soupe aux entrepreneurs du même genre. Il est bon de souligner que le personnage n'est pas tout blanc, qu'il s'enfonce souvent tout seul et se présente surtout comme un homme aigri dans une situation qui le dépasse. Que ce soit dans son emploi (il ne sait pas s'il doit vendre ou pas sa boîte) ou dans sa vie personnelle (il avoue que son mariage est un échec et qu'il est temps d'arrêter l'hypocrisie). Sans compter l'aspect looser avec cette tendance à se reposer sur le correcteur automatique.
Toledano et Nakache ont offert un très bon rôle à Bacri, la mine bougonne et un peu triste de l'acteur allant parfaitement avec le personnage. On peut en dire autant de Gilles Lellouche impayable dès qu'il faut chanter en italien (essayer serait plus juste), de Jean-Paul Rouve en photographe ulcéré par les téléphones ou de Benjamin Lavernhe en marié arrogant et égocentrique. On ne rit pas forcément à s'en exploser la mâchoire, mais le film a son lot de situations jubilatoires et les différents personnages ont une personnalité propre et leurs gags respectifs.
Le sens de la fête dure presque deux heures, mais il n'ennuie jamais, les réalisateurs ayant un sens du timing parfait sur une unité de temps bien précise. Comme quoi, une comédie française à gros budget réussie (14,8 millions d'euros) est encore possible.