On connaît bien les dérives du cinéma de Nakache et Toledano, cette gentillesse frôlant la niaiserie, cet idéalisme vis à vis d'une société métissée où le savoir vivre ensemble triompherait des préjugés : leur "Sens de la Fête" n'y échappe malheureusement pas, en particulier du fait d'un happy end inutile, alors que nous aurions voulu voir un cataclysme terminal s'abattre sur cette noce franchement mal embarquée (option Blake Edwards) ou au moins une plongée asphyxiante dans la noirceur qui rôde sans cesse au bord du cadre (option Altman des débuts). Tant pis ! Alors, au moins tressons des lauriers à cette comédie intelligente et parfois vraiment drôle : derrière la facilité de rôles taillés sur mesure pour des acteurs qui restent dans leur registre habituel (Bacri, Macaigne, Lellouche, Rouve, tous excellents, tous un peu convenus), Nakache et Toledo nous parlent, et plutôt bien, d'un sujet central à notre crise sociétale actuelle, et pourtant quasi invisible au cinéma : le travail (ses valeurs, ses conflits, ses paradoxes) et l'entreprise (ses valeurs, etc.). "Le Sens de la Fête" n'est pas une nième histoire de mariage - d'ailleurs les "noceurs" n'ont quasiment pas droit à l'image, hormis le marié détestable et hilarant, et sa mère archétypale - mais un film sur le "management" (vilain mot, non ?), le professionnalisme, les compétences (ou leur absence), les rapports entre collègues, et le dévouement (le fameux "sens de la fête"). Et aussi sur la difficulté d'être patron de PME en France, concomittante au plaisir de faire un métier qu'on aime. Macronistes, Toledano et Nakache ? N'allons pas jusque là, mais en tout cas ils nous parlent de la réalité de la France... avant de se laisser aller à leur habituel optimisme, bien sûr. Mais même cet optimisme est ici teinté d'une note dépressive, d'une amertume nouvelle face aux mensonges et aux illusions dont nous nous nourrissons tous. Et qui nous sont sans doute nécessaires pour pouvoir avancer. Comme ce fameux "recul" du mensonge final de Bacri. Oui, "le Sens de la Fête" est une vraie surprise, car c'est un beau film pertinent. [Critique écrite en 2017]