Allons-y ! Sans ambages, ce jeu de mots pas si sage, qui dit le mode de progression du film, et aussi son aboutissement, en toute fin de nuit, à une forme de sagesse...
Dès la scène d'ouverture, le spectateur révise sa compréhension du titre et entreprend de le recevoir de manière certes illustrative mais aussi antiphrastique : illustrative, puisque Bacri, en Max Angély (il y aura bien un ange, mais autre - et involontaire...) est une sorte de traiteur-organisateur de grands événements relevant de la sphère privée, donc, entre autres, de mariages haut de gamme, éminemment festifs ; et antiphrastique, puisque, visiblement, cet homme n'est pas à la fête, excédé par les exigences volontiers contradictoires de ses clients, au bord de la rupture dans ses couples, légitime comme illégitime, et souvent dépassé dans la gestion du mariage prestigieux dont le film accompagne le déroulement, sur vingt-quatre heures...
Très écrit, souvent même avec une réelle virtuosité, le scénario joue d'ailleurs fréquemment de l'antiphrase, afin de varier les explosions de colère du maître de cérémonie Bacri, et d'illustrer différents modes de gestion de son équipe assez fantasque. Monté à un rythme effréné, scandé par la partition du jazzman Avishai Cohen, le film délivre une galerie de portraits savoureux et tous plus imprévisibles les uns que les autres : Benjamin Lavernhe (qui a définitivement marqué les consciences avec son interprétation de Pierre, dans "Le Goût des Merveilles", en 2015), en marié narcissique et tyrannique ; la très expressive Judith Chemla, en ancienne enseignante parachutée par son mariage dans un milieu autre ; Gilles Lellouche, en chanteur exclusivement occupé de sa propre image ; Jean-Paul Rouve, en photographe tout aussi égocentrique, manquant en plus cruellement de savoir-vivre ; l'irrésistible Vincent Macaigne, en ancien prof dépressif, traînant jusque dans la rue son désespoir en pyjama ; Eye Haidara, en bras droit de Max, apportant à celui-ci autant de soucis que de soutien, du fait de son tempérament volcanique ; Alban Ivanov, en serveur improvisé totalement à l'ouest ; Suzanne Clément, en numéro deux amoureux tentant par tous les moyens de passer numéro un... Tous ces personnages, odieux, exaspérants, désolants, connaissent leur moment de grâce qui aboutira à les rendre infiniment touchants, infiniment humains...
De micro-catastrophe en micro-catastrophe, le film procède vers un dénouement allégé. Jusque dans les échanges verbaux, le gouffre du non-sens et de la ruine est constamment frôlé. Mais, comme un grand malade à la démarche désordonnée, il finit toujours par retrouver son équilibre, par ne pas plonger, là où la chute semblait inévitable. Un sauvetage qui s'opère, non pas grâce à un déploiement de maîtrise ou d'héroïsme, mais par un lâcher-prise, une passation de pouvoir, une intervention inespérée (très belle prestation de l'acteur-réalisateur Sam Karmann en ami secourable), un bricolage, un rebond imprévu (beau final de la panne d'électricité reconvertie en concert acoustique aux chandelles)... Les plus pessimistes vérifient ainsi que le pire n'est pas toujours sûr ; et, en cas d'antipathie irréductible, ils apprennent au passage une formidable variante, mise en acte mais hélas peu reproductible, de l'expression "envoyer au diable"...