Lors d'un vol Paris-Stockholm, j'étais assis à côté d'un homme rougeaud, très sportif, avec le crane dégarni et une moustache. Il ne tenait pas en place, et me racontait qu'il allait chasser en Suède. En discutant avec lui, j'ai compris qu'il était Autrichien. Comme Adolf Hitler.

Je n'ai jamais vu de film autrichiens jusqu'à maintenant, aussi ai-je regardé ce film en y cherchant la confirmation d'un préjugé personnel tenace : les Autrichiens sont tous des malades mentaux. Je n'ai pas été déçu.

Le film commence par des plans montrant une famille au réveil, sans que l'on voit les visages. Il y a le père (Georg), la mère (Anna), la fille (Eva), le frère de la mère qui est dépressif. L'environnement est froid, efficace, propre, et surtout complètement anonyme : on pourrait se trouver dans une famille aisée de n'importe quel pays. Les visages arrivent peu à peu. Le frère tient avec la mère un magasin d'opticien. Le mari est dans le service recherche d'une firme industrielle. On échange peu de mots. L'avancement du mari se passe bien. Régulièrement, on emmène la voiture au car-wash. On écrit aux parents une lettre lue en voix-off,avec de petites nouvelles.

Puis des fêlures apparaissent. La gamine raconte à l'école qu'elle est aveugle, alors que non. Au cours d'un dîner,le frère fond en larmes. Georg profite de la maladie de son supérieur pour essayer de prendre sa place. Il est finalement licencié. La famille entreprend alors de mystérieux préparatifs : Georg achète des outils contondants ; Anna fait le tour des pharmacies acheter un max de somnifères, ainsi que de quoi faire un beau repas de fête. Elle téléphone à l'école pour dire que Eva n'ira pas en cours pendant quelques jours...

Le rythme du film est lent, et d'aucuns le trouveront un peu maniéré (notamment ces fondus au noir qui restent quelques secondes dans le noir). Les plans sont magnifiquement orchestrés : sobres, réalistes, froids, ils dénoncent le caractère inhumain de l'environnement dans lequel vit la famille. C'est incroyable comme, sans aucun mot ni aucune musique, un petit déjeuner peut suggérer une existence totalitaire... Le symbole suprême de cette existence aliénante est le car-wash, qui enserre la voiture familiale pour mieux la laver, emprisonnant momentanément ses occupants. C'est pendant une scène de car-wash que le drame se noue, que la décision se prend (enfin si j'ai bien suivi). Car-wash qui fait écho, à la fin, à l'écran de télévision vierge qui accompagne l'agonie de Georg.

Le dernier tiers du film est d'une grande violence, même s'il ne faut pas entendre par là des flots d'hémoglobine... Cette violence n'est pas gratuite, ni à proprement parler pathétique. C'est une violence qui détruit, mais qui en même temps montre ce qu'il y avait à l'intérieur de ce qui est détruit. Je suis persuadé que ce film a inspiré Altman pour une scène de "Shortcuts", même si Altman en fait quelque chose de comique. Il y a aussi un peu de folie, mais assez peu, au fond. La famille se ressoude une fois que son projet est arrêté. La toute fin fait penser à celle de "Mme Bovary".

Pourquoi pas 10 ? C'est formellement irréprochable, mais ça fonctionne de manière un peu trop mécanique, justement. Haneke peut être aussi froid que les outils de bricolage qu'il filme, peut-être se retranche-t-il un peu trop derrière la mécanique du récit.
zardoz6704
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le 18 nov. 2012

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zardoz6704

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