Mel Brooks exagère sans doute un poil lorsqu'il se gargarise de son film en le présentant comme un monument de la comédie américaine. Cela dit, sous ses airs de farce dopée à l'humour débile, Blazing Saddles fait beaucoup, beaucoup rire et a le mérite de le faire en abordant des sujets qui fâchent comme le racisme.


Même s'il n'évite pas quelques passages lourdingues et de grosses baisses de rythme, le troisième délire du réalisateur est une véritable usine à moments cultes qui regorge de gags mémorables et de répliques tordantes. Que ce soit le coup de poing au cheval, l'accent bavarois de la géniale Madeline Kahn qui chante sa lassitude de femme-objet, Mel Brooks en chef indien qui parle yiddish, ou le combat final durant lequel le film crève littéralement l'écran, chacun trouvera forcément à boire et à manger dans cette ode à la déconne absurde.


Derrière la gaudriole et les références pétomanes (encore une scène culte malgré elle), Brooks égratigne également toute la société américaine. Si son projet ressemblait au départ à une parodie de western, le réalisateur ne sert en réalité pas un vrai pastiche au sens propre. Il relève évidemment les quelques absurdités et clichés inhérents au genre, mais il les utilise surtout pour fustiger la ségrégation, la corruption, la misogynie, et bien évidemment la bêtise de ses congénères : nous. Tout le monde en prend donc pour son grade, jusqu'au microcosme hollywoodien.


Le résultat est extrêmement bordélique et fait sien le ton déluré des cartoons de l'âge d'or (auxquels Brooks adresse de nombreuses références). Le film semble même poser les bases d'un humour dont les ZAZ vont bientôt se faire les rois. Ca pourrait ressembler à du travail de branleur, sauf qu'en réalité cela témoigne surtout de l'exceptionnelle liberté créative et artistique - toutes proportions gardées - dont ont pu jouir Brooks et ses scénaristes sur un film pourtant produit par la Warner. Le réalisateur a également pu compter sur une bande d'acteurs qui a parfaitement compris le délire. Dans des rôles réellement délectables, on trouve notamment le duo Cleavon Little / Gene Wilder, fort attachant, un méchant bien fourbe (Harvey Korman), la trogne géniale de Burton Gilliam en idiot du gang, ou encore Madeline Kahn qui a bien failli rafler une statuette pour ce rôle, ce qui en dit trèèèès long.


NB : A noter qu'une série adaptée, "Black Bart", a été mise en chantier par CBS un an après la sortie du film. A ce jour, seul le pilote de cette sitcom avec rires enregistrés a été diffusé à la télévision. Et dans le fond tant mieux, car c'est pas jojo à voir.

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le 25 janv. 2017

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