Richard Attenborough joue un ouvrier, père de deux enfants et en attente d'un troisième, qui refuse de se joindre à un mouvement de grève quasi général. Il doit travailler, faire subsister sa famille, il n'a pas le choix ; seulement, son obstination à ne pas se joindre à ses camarades va lui couter cher, ainsi qu'à sa famille.
A la fin des années 1950, Richard Attenborough crée une société de production, Beaver films, et Le silence de la colère, sera son premier projet ; bien mal lui en a pris, car malgré son budget minuscule (moins de 100 000 £ de l'époque), ce fut un échec commercial, ce qui fait que le film reste méconnu.
Et pourtant, c'est vraiment formidable, voire ça fait froid dans le dos sur la force de la collectivité contre l'individualisme. Le début montre une vie façon métro-boulot-dodo (sauf que des employés arrivent en train, motocyclette ou vélo), quelque chose de monotone brisé par les fins d'après-midi au pub du coin afin de décompresser de ce travail manuel harassant. Richard Attenborough est de ceux-là, mais il doit aussi s'occuper de sa famille, et chaque sou compte ; le loyer est perçu à chaque fin de semaine, et il se rend compte qu'avec deux (puis trois dans le futur), la situation va être compliquée, d'autant plus que leur logement est exigu.
C'est aussi pour cela que, quasi seul contre tous, il s'entête à vouloir travailler, ce qui vaudra bien des brimades, des jérémiades, voire des atteintes physiques sur lui et ses proches jusqu'à un final glaçant que n'aurait pas renié le Stéphane Brizé de En guerre.
Dans un noir et blanc plutôt charbonneux, qui donne à nous aussi l'impression de s'enfoncer dans quelque chose de tragique, Guy Green propose un récite haletant, avec des acteurs vraiment formidables, dont un certain Oliver Reed dans un de ses premiers rôles. On y voit des faux-jetons, des gens peu convaincus mais qui suivent la meute, et Richard Attenborough, qui va être celui qui va être contre ; à ce propos, l'acteur y est exemplaire, montrant une gravité qui m'impressionne. Notons aussi la belle présence de Pier Angeli, qui joue son épouse italienne, et qui n'est pas là pour jouer les utilités.
J'ai eu le plaisir de voir le film en Blu-ray, et avec des sous-titres anglais ; je préfère prévenir ceux qui veulent tenter la découverte, car les multiples accents des employés de l'usine font qu'ils ne sont pas tous intelligibles, mais c'est assez mineur. Car Le silence de la colère est un film quasi-social qui prend aux tripes et que je recommande fortement !