Joe Wright ne m'avait pas déçu jusque là, que ce soit avec son joli premier essai, le très sympa Orgueil et préjugés, ou même son second film, le magnifique et pictural Reviens-moi. On retrouve d'ailleurs, avec Le Soliste, le côté peinture romantique de la mise en scène du réalisateur, un poil modernisé du fait de l'époque dans laquelle se déroule cette histoire vraie tire-larmes par le biais de quelques passages psychédéliques qui viennent jurer avec la sobriété du reste.


A l'image de son personnage, Le Soliste est un film schizophrène qui, en ce sens, représente avec talent la psyché du protagoniste de Jamie Foxx (la scène d'écoute de l'Opéra incarne avec talent ses hallucinations schizophréniques); il faudra pour en profiter passer outre sa première heure demi-heure difficile, pénible pour qui s'attendait, dès le départ, à une claque visuelle; alors bleutée, l'image du film possède ce sens du superficiel surprenant qu'on n'aurait jamais attendu chez Wright.


Saturée, filtrée, l'image perd de la personnalité de son réalisateur jusqu'à revenir en trombe l'introduction faîte des personnages; bien plus à l'aise lorsqu'il s'agit de filmer la rue, un orchestre plutôt qu'un tunnel de voie rapide, Wright revient à la charge mais ne parvient plus, passé une heure, à rendre un film à l'écriture banal un minimum trépidant. C'est d'autant plus regrettable qu'on y retrouve un joli casting : Jamie Foxx avec quelques soupçons de surjeu, et Robert Downey Jr qui joue, une nouvelle fois, Robert Downey Jr.


Ils forment un duo intéressant à partir du moment où Foxx intègre l'association dans laquelle il pourra jouer de la musique qui le fait rêver; paradoxalement, c'est aussi là que le film s'embourbe dans ses défauts, drame fait avec trop d'envie d'émouvoir pour être véritablement sincère. Il use toujours des mêmes effets de mise en scène (la caméra tremble un certain nombre de fois) pour rapprocher le public de personnages creux pourtant tirés de personnes réels, et développe des séquences prévisibles censées être l'apogée des émotions qu'il veut nous transmettre.


On ne les partagera finalement jamais, occupés qu'on sera de suivre pendant une demi-heure un film sans personnalité, superficiel et fade, et d'observer, les premiers passages de nuit en ville venus, les moments contemplatifs dont Wright a le secret, et qu'il continue de concocter avec toujours autant de réussite et de soin. Les théâtres, cette ville qu'il fait vivre et place comme la source de l'inspiration des hommes (journalistes comme musiciens), tout cet environnement urbain qu'il n'avait jusqu'ici jamais abordé dans son cinéma incarne l'intérêt premier du Soliste, qui n'a finalement de raison d'exister que pour sa manière de personnaliser Brooklyn, qu'il montre très justement.


De ses quartiers pauvres à ses pauvres gratteurs, en passant par ses enseignes délabrées et ses écriteaux tagués, la ville vit encore plus que les personnages présentés, au point de devenir le protagoniste du film et d'être regrettée quand elle quitte le premier plan du cadre; on la suivra alors discrètement, en attendant de voir les manières nouvelles qu'il aura de la filmer. Tour à tour documentaire puis tableau, Wright dépeint le quotidien de milieux pauvres avec une justesse surprenante, une humanité adorable.


Film sympa que ce Soliste mais un peu trop tire larme, ce troisième essai de Wright vaut, une nouvelle fois, pour ses images et son sens aigu du cadrage, avec une photographie pourtant décevante à première vue, et d'une richesse agréable passées les trente premières minutes, pénibles et peu intéressantes. C'est banal au niveau de l'écriture, jamais trop inspiré mais le réalisateur rattrape le niveau par son travail et transporte l'attention du spectateur de l'intrigue au véritable personnage principal de l'intrigue, la ville de New York.


Un hymne à l'humanité qui manque pourtant de personnalité. De jolies images restent en tête, cela dit, et son visionnage se justifie ne serait-ce que pour la représentation de la ville dans la vie des hommes. Sympathique mais décevant. Attendons son deuxième coup de théâtre tourné en ville, le film d'action Hanna.

FloBerne
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le 26 oct. 2019

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