En 1986, Andrei Tarkovski présentait à Cannes son dernier film d’une magnificence visuelle inouïe, « Le Sacrifice ». Parabole unique sur le pouvoir des mots et de la foi, les personnages évoluaient dans un endroit perdu dont un arbre était le repère d’espoir face à une menace post-apocalyptique. Trente ans plus tard, Alexander Kott (est-ce vraiment un hasard ?) choisit également le symbole de l’arbre (mort cette fois-ci) qu’il place au cœur de la steppe du Kazakhstan où se situe l’action du film. La même épure, la même trame mais « Le souffle » se passe de mots, ne laissant s’exprimer que les éléments de la nature, les expressions d’un visage et plus encore des plans magistraux révélant un drame dont on ne soupçonne pas la portée au début mais qui se veut bien présent.
Car d’espoir il n’est pas du tout question ici, et cette poignée d’habitants abandonnés le sait bien. Ils attendent fiévreusement, résignés, distillant ça et là des gestes de vie, des gestes d’amour. C’est ce triste quotidien de Dina, une jeune fille lumineuse, une héroïne candide que l’on suit, jour après jour dans un pays où l’on croque le soleil, où le vent cabotin ou furieux s’immisce en tous lieux, où la nature irradie de merveilles et d’une incroyable humilité. Dina est une iphigénie des temps modernes.
Alexander Kott excelle dans l’art du non-dit et la stylisation des effets (ses cadrages sont ingénieux et audacieux). Son film est habilement construit et magnifiquement mis en lumière par Levan Kapanadze (une photo aussi impressionnante que chez Sven Nykvist). Tout au plus on pourrait lui reprocher quelques redondances, pesant parfois sur la trame, mais ce n’est rien au regard de ce que l’on ressent face au choc de la scène finale et l’amertume qu’elle diffuse.
On se souviendra longtemps de Dina, Tolgat, Kaysin et Max, qui redonnent une voix à cette population Kazakhe, véritables martyrs d’une cause injustifiée. Mais bien plus que la mort, ce qui restera en mémoire ce sont les sourires, les gestes tendres et cocasses, l’amour qui soufflent sur cette plaine et dont le souvenir se veut doux, sensible et sombre, une ode à la vie, mélodique et enivrante qui courre dans les « Steppes de l’Asie centrale » comme dans celles de Borodin.