On m'avait dit : " Un très beau film. Une fable à quatre personnages dans les plaines du Kazakhstan dans les années 60. Il se passe pas grand chose. Et c'est sans parole."
Bon.
J'avais quand même acheté le film qui attendait depuis patiemment dans mes étagères que je sois disposé à le regarder. Ma dernière expérience cinématographique kazakhe s'étant soldée par une bonne surprise avec le très chouette Tulpan, j'attendais juste d'avoir l'esprit suffisamment ouvert pour profiter sans retenue d'une histoire dont j'avais décidé par ailleurs d'en savoir le moins possible. Déjà qu'il ne se passe pas grand chose alors si en plus on sait quoi.
Cela étant dit, Le Souffle montre peut-être mieux que tout autre à quel point ce qui se passe dans un film ne tient pas nécessairement à la multiplication des personnages ou la diversité des péripéties. Au même titre que le style pour un roman, la réalisation peut en elle-même interpeler, amuser, surprendre et rendre le film vivant. Ici, chaque plan est construit, chaque placement de caméra original. On s'imagine que dans un espace aussi ouvert que ces plaines asiatiques tout est forcément donné à voir d'emblée. Que nenni. Le réalisateur va précisément jouer du hors-champ, du cadre et de la plongée pour casser les lignes du décor en horizontalité comme en profondeur. De fait, l'écriture cinématographique rend littéralement le film intéressant. Plusieurs scènes relèvent de l'illusion d'optique, d'autres de la poésie pure. La caméra s'amuse du paysage et en quelque sorte le transfigure de sorte que nous n'avons jamais l'occasion de nous ennuyer. En tout cas pour peu que vous soyez sensible à la mise en scène.
De même de l'absence de paroles. Loin de gêner la compréhension des personnages, elle contribue au contraire à en avoir une approche plus intériorisée. Que ce soit le père, fasciné par les avions qu'il rêve un jour de piloter mais rongé de l'intérieur par un mal irréductible ou la fille coincée dans un monde sans murs mais poussée par ses désirs, on ne regrette finalement jamais de les entendre car rien n'empêche de les comprendre. La seule voix qui émerge est cette de la nature : une brise à la fenêtre, le galop d'un cheval, le crépitement de l'eau (thème très présent dans ce film de désert) ou l'éclat de la foudre. Et le pari est réussi.
Le film ne se réduit pas pour autant à un beau travail d'écriture cinématographique composant avec la contrainte du décor et la nature sauvage car loin de n'être que poétique il est également éminemment politique.
Beau et fort donc.
A découvrir.
Personnages/interprétation : 8/10
Histoire/scénario : 8/10
Mise en scène / réalisation : 10/10
9/10
P.S : je recommande fortement - à la suite d'un post lu ici même sur SC - de se passer de la bande annonce (ou de tout résumé de l'histoire).