L'interminable pièce filmée de Manoel De Oliveira

Une adaptation punitive de la pièce de Paul Claudel : Manoel De Oliveira étale sur près de 7 heures une succession de longs plans-séquences sans relief aucun, banalement filmés et terriblement ennuyants. Si l'écriture du dramaturge français est en très grande partie respectée par le réalisateur sa langue s'apparente ici à un incessant bavardage proprement rébarbatif. La platitude du dispositif choisi par De Oliveira et l'absence totale de montage font du Soulier de Satin un exemple parfait de mauvais théâtre filmé, fort peu cinématographique et pratiquement exempt de moyens. C'est visuellement moche et difficilement soutenable sur la longueur.


Divisible en trois parties reprenant l'essentiel de l'oeuvre original le très long métrage proposé réserve tout de même une ou deux qualités majeures, à commencer par la diction quasiment irréprochable des interprètes : maîtrise dans le placement des voix, connaissance aigüe du texte de Claudel... En outre la première partie de ce bloc filmique permet d'introduire de manière intelligente les nombreux personnages de cette pièce réputée inadaptable, et les deux premières heures parviennent à intriguer voire même séduire le spectateur. Hélas les effets "kermesse d'école" de la seconde partie transforment le visionnage en véritable pensum, grotesque et poussiéreux. La statique de la mise en scène et les interminables tirades verbeuses proférées dans des décors cheap ne parviennent à masquer la paresse technique du cinéaste portugais, livrant une adaptation indiscutablement fidèle au texte mais aussi franchement ratée sur le plan purement cinématographique.


Autre hic forcément condamnable : les prises de son sont parfois carrément traitées par-dessus la jambe par Manoel De Oliveira, tant est si bien qu'on a parfois bien du mal à se raccrocher à l'essentiel. Finalement les 400 minutes du Soulier de Satin passent comme du plomb, pénibles à suivre dans leur volonté de rassembler l'apanage du théâtre et les moyens du cinéma avec une naïveté un brin pathétique et fort peu pertinente. L'héritage de Georges Méliès vient instantanément à l'esprit puisque Manoel De Oliveira construit ses plans comme au temps des vues du cinéma muet, avec une lourdeur quasiment rédhibitoire.


En bref il s'agit là d'une regrettable torture cinématographique, très mal réalisée car mettant mal en valeur les situations de l'oeuvre de Paul Claudel : il est principalement question chez l'auteur de passion, de transport amoureux et de flamboiements tragiques... De Oliveira ne garde ici qu'une symbolique christique redoutablement ascétique, livrant un morceau de cinéma interminable et sec. Un mauvais film.

stebbins
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le 8 mai 2015

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