Marée Basse
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le 14 juin 2019
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L’évocation de l’océan, pour nous petits français aux congés payés, rappelle joyeusement les bains de soleil à Palavas-les-Flots, les châteaux de sable à la Grande Motte, et les chassé-croisé sur les autoroutes embouteillées des vacances. Notre océan Atlantique est bien élevé, et il ne lui viendrait pas à l’idée de sortir de son lit pour envahir le nôtre, et de s’inviter, un beau matin d’été, au cœur des terres pour clapoter dans les rues de Bordeaux ou de Toulouse. Ce n’est pas le cas des océans Indien et Pacifique, ces malotrus, qui successivement, ont tsunamité les rives de l’Indonésie (Sumatra, 2004) et du Japon (Fukushima, 2011). Koji Fukada avec Le Soupir des Vagues, emprunte la grammaire du fantastique pour narrer les conséquences de ces catastrophes nautiques. Soupirera-t-on d’aise ou bien d’ennui ?
La ville indonésienne de Banda Acet est encore sous les décombres causées par le tsunami survenu 12 ans plus tôt. Un japonais mutique, Laut (Dean Fujioka) sort subitement des eaux et débarque sur la plage. Son arrivée quasi christique et ses pouvoirs aquatiques dignes de Jason Momoa, provoquent la stupéfaction des autochtones inquiets. Sachiko (Junko Abe), une japonaise venue sur place pour répandre les cendres de son père disparu, se prend d’amitié pour ce migrant surnaturel, mince, beau et qui sent bon le sable chaud.
Koji Fukada a deux défauts. Le premier est que ses long-métrages arrivent dans nos contrées avec autant de retard qu’une gestion de crise gouvernementale – Hospitalité est sorti dans nos cinémas cet été, 11 ans depuis sa diffusion japonaise ; Sayonara, 2 ans après ; et enfin, Le Soupir des Vagues est visible en France après 3 années d’errance on-ne-sait-où et on-ne-sait-pourquoi. Cette filmographie décousue, diffusée en dépit de toute chronologie comme une vielle série est-allemande sur France 3, ne permet pas d’appréhender son œuvre dans sa globalité, autant que l’homogénéité et la cohérence de ses thématiques le nécessiterait.
Le deuxième défaut de Fukada est que ses films semblent paradoxalement évidents, sans que l’on soit bien certains de les avoir vraiment compris. Le Soupir de Vagues ne met pas en scène le tsunami comme le ferait J.A Bayona avec The Impossible sur le canevas du blockbuster-catastrophe, mais vogue plutôt sur le courant contemplatif dans le style d’Apichatpong Weerasethakul (Oncle Boonmee…), où la narration incertaine soufflerait le chaud et le froid pendant que le scénario prendrait l’eau, nous laissant avec notre banc de questions sans réponses. Oui, son histoire est plus ésotérique qu’une intrigue DC Comics, et se termine en queue de poisson. Mais elle se suit sans déplaisir et surtout, demeure esthétiquement attrayante du début à la fin. Car après tout, si une mer céruléenne reste paradisiaque pour bien des touristes alors que la population locale meurt à deux mètres de leurs serviettes de bain, pourquoi ne serait-elle pas aussi agréable à l’œil pour les cinéphiles que nous sommes ? Place à l’Art, parbleu.
L’arrivée de Laut – dont le nom signifie Océan – sur la plage abandonnée, coquillages et crustacés, permet, par anthropomorphisme, d’inviter l’élément eau au cœur des échanges humains. Cette irruption aquatique provoque un égrégore entre japonais et indonésien, unis dans les drames causés par ces catastrophes naturelles, jusqu’à faire naitre une romance entre protagonistes. Bien sûr, tout ceci reste très chaste – Fukada n’est pas Pasolini – et le débat se place à une profondeur plus spirituelle que charnelle. La toute-puissance de la Nature, matérialisée par l’étranger venu de la mer, permet de réconcilier ces deux rives martyrisées par les raz-de-marée aveugles d’une fatalité imbécile, et d’oublier ici le colonialisme japonais dans le Pacifique, ou bien là, les barrières artificielles des nationalismes ou les frontières de la religion. Chacun sa mère et la mer pour tous, Fukada, plus proche de Miyazaki que de Point Break, met en scène une vision animiste de la Terre maternelle pour panser les traumatismes de l’Asie du Sud-Est.
Le Soupir des Vagues, au confluent des genres cinématographiques, utilise intelligemment son allégorie pour explorer l’impensé et la conscience des passés parfois conflictuels, mais souvent conjoints, du Japon et de l’Indonésie. Le résultat, apaisant autant que poétique, enchantera sans doute les esprits mystiques. Quant aux plus cartésiens, le récit les laissera probablement l’âme dans le vague et le soupir en tête.
Créée
le 8 août 2021
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