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Artiste de cabaret, graphiste, gagman, clown et assistant réalisateur de Jacques Tati sur le film Mon Oncle en 1958, Pierre Étaix réalise son premier film Le Soupirant en 1963 avec la collaboration de Jean Claude Carrière à l'écriture. Amateur d'art du cirque et de slapstick le comédien scénariste et réalisateur débute alors une courte mais singulière carrière au sein du paysage cinématographique français qui devra attendre 2009 et la restauration de ses films pour une rétrospective afin de retrouver toute la place qu'elle mérite.

Le Soupirant c'est l'histoire de Pierre un jeune homme rêveur qui passe son temps dans sa chambre entouré de livres. Lorsque ses parents lui font comprendre qu'il est temps pour lui de se marier, Pierre bien que totalement inadapté à l'exercice se met en quête d'une amoureuse.

Le Soupirant est une comédie tout à fait charmante à l'image de Pierre Étaix et de son homonyme dans le film. Mélange de Buster Keaton pour son apparente et froide nonchalance, de Pierre Richard pour sa maladresse chronique et sa timidité, de Jacques Tati pour sa candeur poétique face au monde et d'un grand dadais dandy pour son élégance, Pierre Étaix impose dès ce premier film un personnage, un ton et un univers unique et très personnel. Bien loin de notre époque love me Tinder, drague lourde et harcèlement de rue, le gentil héros du film va s'en aller essayer de compter fleurette après s'être entraîner tout seul dans sa chambre. Essayant de reproduire en vain les techniques de drague qu'il observe, cumulant les maladresses et les erreurs de jugement, subissant de nombreux coups du sort, Pierre qui accumule joyeusement les râteaux finira par tomber en fascination amoureuse pour une chanteuse (France Arnell) qu'il voit à la télévision tout en essayant de repousser les avance pressantes d'une femme un peu trop enthousiaste pour lui et son univers légèrement lunaire. Toute ses petites péripéties sont prétextes à une succession de gags visuelles, burlesques et poétiques qui fonctionnent dans une mise en scène réglé comme du papier à musique. Pierre Étaix en tant que réalisateur et acteur quasiment muet durant tout le film fait preuve d'une jolie maîtrise de l'art du slapstick, le tout dans un univers qui possède un vrai charme certes un peu désuet mais finalement assez touchant. A noter aussi des personnages secondaires amusants comme les parents de Pierre avec un mari usant de nombreux subterfuges afin de pouvoir fumer et picoler sans que sa femme autoritaire lui tombe dessus.

Vaguement comédie romantique le film raconte également en sous texte l'amour possible entre Pierre et la femme de ménage de ses parents une suédoise qui ne parle pas le français et qui au départ ne comprend strictement rien lorsque Pierre lui demande de l'épouser histoire de ne pas aller chercher bien loin la femme de sa vie. Tandis que Pierre va de maladresses en déconvenues le ramenant toujours plus solitaire vers le nid familiale, cette jeune femme apprends le français permettant une hypothétique mais amusante croisée des destins.

Le Soupirant est un film tout à fait séduisant, élégant, drôle et poétique à l'image de son personnage et de son réalisateur. Cette quête amoureuse qui prend la forme d'un parcours initiatique juché d’embûches et de trébuchements comiques possède incontestablement un charme fou.