Il y a eu des hauts et des bas, mais Wes Craven a tout de même offert au genre ses plus éminents tueurs et croquemitaine (les cannibales de La Colline a des yeux, Krug le tueur-violeur de La Dernière Maison sur la Gauche, Freddy Krueger...). Passé l’euphorie des Griffes de la Nuit, les années 80 n’ont pas été un long fleuve tranquille pour lui. Shocker et L’Emprise des Ténèbres ont tous deux étaient des échecs. Pour le reste, le réalisateur s’est compromis dans l’exercice de ses téléfilms et d’une séquelle largement dispensable (La Colline a des yeux 2). Les années 90 marqueront néanmoins son grand retour en concluant la saga qu’il avait érigé (Freddy sort de la Nuit) et en se faisant le fossoyeur du slasher (Scream). Mais avant d’avoir l’opportunité de mettre en scène le scénario de Kevin Williamson, le cinéaste s’est emparé d’un fait divers crapoteux pour se nourrir de la misère humaine et livrer un portrait acerbe de la gentrification et de la lutte des classes au sein des quartiers défavorisés, à une époque où les émeutes de L.A. n’avaient pas encore éclatés. Des cambrioleurs avaient ainsi découvert qu’un couple gardé des enfants enfermés à double tour qu’ils maltraités sous couvert d’une éducation stricte et religieuse. Une histoire qu’il va donc adapter non sans prendre quelques libertés pour livrer une fable sociale qui préfigure cette horreur sociale (que l'on qualifie de "elevated") qui sera par la suite popularisé par le succès de Candyman de Bernard Rose.
Dès son introduction, le réalisateur expose la situation d’une famille de prolo défavorisé mais néanmoins unis dans la difficulté, vivant dans le ghetto qu’il oppose ensuite à une cellule familiale complètement dysfonctionnelle au plein coeur de la banlieue WASP. Le contexte social du film est particulièrement représentatif du racisme systémique avec son couple de nanti incestueux qui laissent pourrir leurs appartements HLM qu’ils louent aux populations afro-américaines à prix exorbitant, tout en sachant pertinemment qu’ils ne pourront pas payer leur loyer, de manière à pouvoir les chasser légalement et revendre l’immeuble à des blancs. Comme les personnages nous apparaissent monstrueux, il nous est dès lors plus facile de prendre le parti de tout-fou et de ses deux comparses qui iront cambrioler leur maison dans l’optique de mettre la main sur un fastueux trésor, d’autant que le jeune garnement le fait pour soigner sa mère atteinte du cancer et éviter de se retrouver expulser de son taudis. Mais le but de Craven n’est pas tant de verser dans le drame social, mais bien de livrer un home invasion qui fera des ravisseurs, les victimes prises aux piège d’une famille de tueurs psychotiques et dégénérés. Ce petit manège lui permet ainsi d’orchestrer une véritable partie de cache-cache dans les combles, soubassements, et gaines d’aération de la maison.
La topographie de l’environnement lui permet de mettre en place une série de chausse-trappe et de piège digne d’un Maman j’ai raté l’avion en plus retors. La gestion de l’espace combiné à la parfaite lisibilité de l’action rendent la maison aussi torve que ses occupants. Son climat particulièrement anxiogène, ses excès gore et sanguinolent, son humour slapstick digne d’un tex-avery mêlé à la cruauté de ses tortionnaires et des horreurs tapit au coeur de la sinistre demeure ne rend pas le film des plus facile à appréhender et ce malgré le cabotinage du duo d’interprètes. Mais il est clair que le succès des Goonies avait du faire des émules et que Wes Craven y a vu l’occasion d’ invoquer les codes du conte pour enfant afin de les pervertir sous un angle horrifique. Les rejetons non désirés des parents sont ainsi battus et parquet dans la cave. Le manque de lumière et leur régime carnassier a fait d’eux d’abominables goules consanguines. À l’étage, une jeune fille est séquestrée, fouettée, ébouillantée par une matrone aux allures de sorcière, tandis que son mari est un ogre obscène et revêtu d’une combinaison SM. Contrairement aux cannibales de La Colline a des yeux, ceux du Sous-sol de la peur sont néanmoins des alliés de poids face à l’oppression de leurs geôliers qui tentent de les affamer en balançant les restes des corps de leur malheureuses victimes dans leur fausse sceptique. Certaines séquences confinent à l’hystérie collective et rappel à bien des égards Evil Dead 2 notamment dans ses déambulations cloisonnés. À la fin, l’utopie hollywoodienne reprend néanmoins ses droits avec ses farandoles de billets vert volatile qui permettront d’apaiser la vindicte populaire après que la police est encore une fois montrer toutes les preuves de son incompétence chronique (une constante dans l’oeuvre du réalisateur qui aime tourner les forces de l’ordre en dérision). Plusieurs décennies après sa sortie, à une période où horreur et blacksploitation semblent de nouveau s’accorder grâce à l’influence de Jordan Peele dans le monde de la série B, Le Sous-Sol de la Peur exhortait déjà les opprimés du ghetto à s’élever contre leurs seigneurs et bourreaux.
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