Le Successeur
6.7
Le Successeur

Film de Xavier Legrand (2023)

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Les attentes étaient immenses après le coup d’éclat Jusqu’à la garde en 2018, premier film de Xavier Legrand, uppercut de maîtrise, combinant la maestria d’un film d’horreur associé à des thématiques sociales essentielles. Il n’est pas toujours facile de se remettre d’une telle entrée dans le métier, et le cinéaste a mis un certain temps à revenir sur le devant de la scène, pour un nouveau projet qui, tout en faisant certains pas de côté (par l’exil au Quebec notamment), poursuit dans l’exploration de la masculinité toxique et des ravages du patriarcat.


Comme son titre l’indique, Le Successeur travaille la question de l’hérédité, et de la façon dont un individu devra lutter pour se construire à l’ombre du père, la rupture définitive conduisant à de fracassantes retrouvailles lorsqu’il s’agira de se confronter au dernier adieu. Xavier Legrand multiplie les références à la tragédie, que ce soit dans la passation professionnelle de la maison de couture ou les antécédents médicaux du père absent qui pourraient expliquer les crises d’angoisse de sa progéniture ; des ressorts qui rivent le protagoniste à un programme immuable, que la mise en scène, directive et obsessionnelle, ne cessera d’exacerber.

L’ouverture du récit, qui nous montre le fils en pleine ascension dans le monde de la mode, aligne les séquences de maîtrise par un défilé tonitruant et spiralaire avant d’investir le monde immaculé, saturé de lumières et de couleur des élites parisiennes. Autant d’éléments qui trouveront leur antithèse dans le voyage forcé vers les origines à l’occasion de la mort du paternel, dans un Québec glacé, sombre et pour une trajectoire rectiligne qui obligera à la descente vers le passé, l’inconscient et l’obscurité du cauchemar.


Le jeu sur les ruptures crée un climat anxiogène assez efficace, notamment dans la manière dont tous les interlocuteurs deviennent des importuns pour celui qui ne pense qu’à repartir, tandis que les appels de Paris ne cessent pour doubler la pression d’un individu en état d’urgence permanent. Un élément qui est censé nous faire passer la décision très discutable qu’il prendra, et qui fera basculer le récit comme la crédibilité du récit.


(Spoils importants)


Legrand a tenté, dans tout son prologue, de placer son personnage sur les rails d’une tragédie, pour tenter de justifier le fait qu’il n’alerte pas la police et tente de gérer seul l’encombrant fardeau du sous-sol. On peut certes imaginer son désir de ne pas voir son nom sali, lui qui s’apprête, comme en attestent les images qui ne cessent d’arriver sur son IPad, à faire la couverture. L’apparence comme force motrice, accompagné de la pulsion furieuse d’effacer les zones d’ombres pour ne pas en être éclaboussé, ce qui conduira, ironie tragique oblige, à y plonger tête la première.


On aura du mal, par la suite, à ne pas voir dans cette succession de catastrophes et de mauvais choix autre chose qu’un artifice scénaristique indispensable pour que la suite puisse advenir, poussant le spectateur à expérimenter lui-même un véritable dilemme. Car les situations qui en découleront, notamment dans la relation très complexe avec l’ami du père, relancent véritablement la machine, et instaurent un climat d’une densité suffocante, ou le silence de chacun multiplie les hypothèses (l’ami en question était-il un complice ?) et densifie une fuite en avant où le comédien Marc-André Grondin apporte une contribution d’une belle intensité. Égoïste et complice, victime et bourreau, son portrait, rivé à la position d’un spectateur devant un diaporama et une musique ringarde, offre une catharsis assez redoutable, un peu gâchée par une verbalisation excessive des enjeux par la suite, et là encore, une façon de grossir le trait en faisant de l’ami en question un pivot trop central des enjeux dramatiques.



Tous ces excès placent le film dans une situation inconfortable, obligeant ses qualités (mise en scène, densité des silences, direction d’acteur et symbolique des espaces) à concéder avec des béquilles assez regrettables. Le Successeur n’est finalement qu’un thriller de qualité assorti de défauts évitables, et dont les personnages restent surtout des fonctions destinées à mener à son terme un programme narratif. Autant de défauts qui n’existaient pas dans Jusqu’à la garde, qui fait planer sur ce deuxième essai une ombre aussi encombrante que celle du père et de sa cave obscure.


(6.5/10)

Sergent_Pepper
7
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le 24 févr. 2024

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Sergent_Pepper

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