Laughton : "Well, a chap my age has the right to a few peculiarities."

Joli tableau de chasse en matière de films noirs pour Robert Siodmak, auquel j'ajoute donc Le Suspect, un spécimen qui tendrait plutôt vers le mineur et l'exercice de style un peu trop conceptuel pour convaincre tout à fait, et surtout pour emporter émotionnellement. Une sorte d'étude de cas centrée sur la personne de Philip Marshall interprété par Charles Laughton, au moins autant en forme que dans Ève a commencé mais dans un registre radicalement différent, un quinquagénaire fatigué qui n'aura de cesse d'osciller entre sa bonté pour ceux qu'il chérit et sa cruauté pour ceux qu'il déteste. Le film peut se concevoir comme une analyse à mi-chemin entre la morale et la conscience, avec un homme assassin de sa femme devenant l'objet d'un chantage.

Le souci, c'est que la femme du protagoniste est un personnage écrit à gros sabots, une vieille harpie parfaitement détestable du début à la fin, qui ne semble être présente que de manière théorique, pour légitimer au maximum l'acte du mari poussé à bout. Alors qu'il venait de renoncer très cordialement à une relation prometteuse avec une jeune femme incarnée par Ella Raines, sa femme lui met un gros coup de pression en déclarant qu'elle est au courant de cette relation et qu'elle compte la révéler au grand public dès le lendemain (après avoir été odieuse avec leur fils, histoire de rajouter une petite couche), dans le seul but de ruiner sa réputation. On comprend qu'il devient difficile de supporter de manière stoïque de tels comportements sinistres... De la même façon, l'inspecteur qui débarque dans la maison file droit au but et l'accuse directement en retraçant ce qui s'est probablement passé façon Cluedo expert. Aucune construction, aucun doute, tout cela manque de nuance.

Mais bon, Laughton reste Laughton, et même si on reste dans le très classique du film noir en matière de caractérisation, il y a un minimum de transposition du côté du début du XXe siècle à Londres. Il parvient tout de même à donner corps à ces deux mouvements qui le contraignent, sa générosité et son sens de la justice d'un côté (qui le conduira à se rendre, c'est fortement suggéré, après un joli coup rhétorique de l'inspecteur) et de l'autre sa violence froide. Un personnage qui sort des sentiers battus, a minima.

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