Bon, je suis bien obligé de le reconnaître, je suis incapable d'être objectif avec ce film.
Après, même s'il est imparfait sous plusieurs aspects, il reste incontestablement un vrai bon film.
Les mauvaises notes qu'il se prend sont évidemment du fait que tout le monde s'attendait à un John Woo dans l'âme.
D'ailleurs, je dois admettre que toute l'histoire derrière le film (les désaccords, les coups de pute et les trahisons) rendent se film absolument légendaire, et ça m'aide sûrement à mieux l'apprécier. Ça lui donne un côté divin presque.
Enfin bref, Le Syndicat du Crime 3, c'est le film de la rupture. C'est Tsui Hark qui nous gueule avec hardeur que cette saga c'est son bébé. Qu'il en fait ce qu'il veut.
Mais aussi et surtout, qu'il l'aime au moins tout autant que John Woo.
Il y apporte sa patte, tout en prenant un plaisir contestataire à briser les codes imposés par Woo. Si bien qu'on a clairement l'impression d'être devant une forme de reboot. Qui flirt avec la nostalgie pour mieux la décomposer.
Ainsi donc, le mythe de Mark Gor s'est construit au Vietnam, auprès de son cousin (qui n'existait pas dans la time-line de base) mais surtout d'une femme (qui n'existe pas non plus).
C'est choquant, oui. C'est perturbant pour tous les fans, qui se sentent trahis. Qui ont l'impression qu'on souhaite les perdre.
Mais une fois qu'on accepte le film pour ce qu'il est, pour ce qu'il veut faire (même si c'est contestable) on est bien obligé de lui reconnaître bon nombre de qualité.
Tout d'abord les acteurs sont grandioses.
Chow Yun Fat nous livre une performance plus touchante, via son personnage bien plus fragile et délicat qu'à l'accoutumé.
Tony Leung Ka-Fai, un jeu d'acteur pas encore à son maximum, mais convaincant dans son rôle de personnage vif et impulsif, un peu maladroit mais touchant dans ses tentatives de tendresse.
Même Saburō Tokitō, que je déteste dans les rôles que je lui connais, s'en sort avec les honneurs. Il est même franchement très bon, et offre une performance nuancée en adéquation avec son personnage complexe.
Mais évidemment, c'est Anita Mui qui sublime tout le film. Toujours géniale dans chacun de ses film, ici on peut clairement parler d'apothéose. L'actrice est divine, avec une élégance magistrale. Elle joue à la perfection un personnage tout aussi incroyable. Un personnage fort mais fragile. Une femme fatale impassible, puis amoureuse, puis dévastée, puis perdue..
Quel personnage ! Et quelle performance ! Quelle actrice ! Quelle claque...
Les personnages secondaires ne sont pas en reste, et offrent tous une performance incroyablement juste et toujours émouvante (cf : le père, son réfugié, même le second du grand méchant est très touchant !)
Des personnages fantastiques, qu'on suit avec passion, amour, colère, tristesse..
Le tout dans un contexte de guerre pourtant moins foisonnant et démentiel que Une Balle dans la Tête.
L'image est ici plus resserrée, les décors plus cloisonnés. Les mêmes personnages reviennent, les mêmes lieux aussi. Ce qui donne au film un côté intimiste, presque paradoxal. On sait que c'est la guerre, tout le monde la subit, mais on la voit rarement.
La violence elle, est bien présente. Partout, et tout le temps.
Se déroulent alors de très sympathiques gun-fight. Qui n'ont pas l'ambition d'un John Woo, mais qui restent palpitans.
Je pense notamment à la première scène de gun-fight dans le bâtiment détruit, de nuit. Ou évidemment la scène d'affrontement finale, qui est vraiment incroyable.
Alors oui, c'est différent de Woo. Les ralentis sont utilisés différemment. Les cascades aussi, qui sont ici plus brutes et moins élégantes.
L'action y est plus frontale et moins stylisée. Mais ça correspond au propos du film, donc il est idiot de s'en plaindre.
Au delà d'une action différente de d'habitude, l'ambiance est déroutante également. Film de guerre oblige, on a pas le côté glamour et urbain des 2 précédents volet.
Ici on est dans le tragique pur et dur. L'histoire est difficile, le contexte aussi. Les personnages sont oppressés, ça gueule de partout, ça se bouscule, c'est chacun pour soi.
Les douaniers sont des salopards profiteurs, l'armée est lâche et corrompue, les civils sont des fantômes errants..
Évidemment tout ça fait penser à Une Balle dans la Tête, où certaines scènes sont carrément des parallèles.
Mais toujours avec une interprétation différente. John Woo étant plus subtile dans son approche (exemple : John Woo montre la souffrance des populations civiles en s'attardant sur la panique et leur souffrance émotionnelle, en montrant notamment le personnage principal noyé au milieu d'une foule de visages tristes et résignés. Tandis que Tsui Hark laisse peu de place aux visages de ceux ci, la caméra les montrant rarement, et choisis pour nous rappeler l'horreur de la guerre sur tout le monde, et pas que ses personnages, de nous montrer un hôpital rempli à craquer d'enfants agonisants).
Il est d'ailleurs plus qu'important de comparer ces 2 œuvres parfaitement compatibles. Et ainsi remarquer avec douceur que Tsui Hark a beaucoup de John Woo en lui, et Woo beaucoup de Tsui.
L'image entre les 2 œuvres change beaucoup également.
Tsui Hark tente quelque chose de plus romantique. Comme on a dit la caméra est presque tout le temps à échelle humaine. Les couleurs sont étrangement aussi chaudes que froides, les jeux d'ombre et surtout de fumée permettent également un effet de lyrisme mélancolique. Du Tsui Hark quoi ! Même si cette combinaise mélancolie et poésie/guerre écœurante peut paraître assez étrange au départ, le fait est que ça fonctionne vraiment bien.
La mélancolie d'ailleurs, omniprésente dans le film. Avec ses couleurs, notamment ce merveilleux crépuscule aux allures irréelles que seul Tsui Hark peut faire.
Via ses personnages comme dit plus haut.
Via ses musiques, toutes sublimes. Surtout le thème principal, incontestablement la plus grande chanson d'Anita Mui. Mythique et infiniment émouvante et intense.
En toute sincérité, les seuls défauts que je puisse trouver à ce film sont uniquement dû au fait que je suis un fan-boy des 2 premiers.
Mais le fait est que plus je regarde ce film, plus je l'aime.
J'ai appris à le prendre pour ce qu'il est. A le comprendre réellement.
C'est un film unique en son genre. C'est une œuvre qui transpire l'amour paternel. Tsui Hark y a mis son amour, sa colère, son âme.
Un film qui témoigne d'une amitié brisé, qui est témoin de ce lien d'autrefois, aux senteurs nostalgiques et malheureuses.
Un constat à l'image de cette fin, une fin absolument sublime qui me fait pleurer à chaque fois.
Une fin exemplaire en terme d'émotions contradictoires. Qui se finit sur une conclusion personnelle et bien plus encore.
Une fin mythique, formidablement intelligente et méta.
Tous ces détails qui n'en sont pas permettent à ce A Better Tomorrow 3 d'avoir un titre doux amer, un héritage difficile mais mérité.
Mais qui lui permettent avant tout d'être un des films les plus intéressants, mais aussi les plus beaux de l'histoire du cinéma.
Ça y est, je l'ai dit.