On le disait mort à la fin des années 80. C’est vrai que son passage aux Etats-Unis n’avait pas la splendeur d’un Suspiria ou d’un Profondo Rosso, mais ce n’est pas pour ça qu’il fallait d’ores et déjà l’enterrer. Le maestro va vous le faire comprendre à son retour en Italie, 3 ans après le moyen Trauma.


Le syndrome de Stendhal, affliction rare qui provoque une hypersensibilité à l’art. L’auteur de « Le rouge et le noir » en aurait souffert lors d’une visite à Florence, d’où le nom. Depuis quelques films, Argento s’intéressait à des figures juvéniles touchées par des maux, c’était le cas du somnambulisme de Connelly dans Phenomena, ou de l’anorexie d’Asia dans Trauma. Cette fois-ci, Asia joue une jeune policière qui est touchée par ce syndrome particulier. L’incipit est frappant, Asia déambule dans la galerie Uffizi à Florence, plongé au sein de la foule et des peintures. Les surfaces se désagrègent, les dimensions se brisent, et voilà la belle Asia plongée dans un bassin, elle a traversé la peinture. C’est un véritable bijou, l’une des plus belles scènes de la carrière du Maestro. Cet homme qui a toujours cherché à filmer des hommes pénétrant dans des images, quoi de mieux que d’offrir cette symbiose ultime entre sa fille et la peinture, l’art noble qu’il a toujours intégré dans ses films, on pense bien sûr à Opéra.


Mais le syndrome de Stendhal ne se limite pas à ça. Bien plus que les surfaces, Argento va remodeler un genre entier, le giallo. Lui qui depuis les années 70 en est la figure de proue, décompose tout le mythe. Si le serial killer est typiquement un personnage de giallo, avec ses psychoses et son attrait pour les jeunes femmes, le déroulement du film va en être tout autrement. Point de mise à mort grand guignolesque ici, c’est un véritable duel psychologique qui va s’opérer entre Anna Mani et Alfredo Grossi. La virginale Asia et sa longue chevelure va se briser. Le viol va la changer. Pour l’exorciser, elle va devoir s’affirmer. Exit la chevelure luxuriante.


Argento va s’amuser avec la psyché de sa fille. L’image d’Asia se reflète partout, dans le miroir évidemment, mais également dans le verre de vin, dans les tableaux, elle veut comprendre cette vision qui se renvoie, quitte à passer au travers du cadre. Les premiers CGI du cinéma italien sont utilisés par Argento pour le symboliser. Malheureusement son penchant pour les expérimentations inclus quelques fautes de goûts dont on se serait passer. Mais qu’importe on reste fasciné par ce traitement de l’image et de sa réflexion. Le film bascule, il devient très sombre, Asia se roule dans la peinture essayant de se débarrasser de ses maux. La confrontation avec son bourreau offre certainement les séquences les plus difficiles de la carrière du maestro.


Puis de nouveau tout se réarrange, Asia devient l’archétype de la blonde hitchcockienne, Kim Novak et Tippi Hedren réapparaissent devant nos yeux. L’ambiance se mue en un certain romantisme hérité lui aussi d’œuvres comme Vertigo. Si le 3ème art se fait de moins en moins présent, le 7ème quant à lui explose. Argento a cette maitrise folle des images, les événements s’enchainent et tout se démêle. La folie n’a jamais été aussi belle. Asia est majestueuse. Dans son altruisme, Argento offre à sa fille le rôle de sa vie. Morricone n’est pas absent de cette réussite, et sa partition rend hommage à la musique dans sa plus grande noblesse.


Les différents arts fusionnent. L’image n’a jamais été aussi tangible et comme Asia on saute à pieds joints à l’intérieur. Le syndrome de Stendhal est une œuvre majeure du maestro, peut-être sa dernière.

Bondmax
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le 16 janv. 2017

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