Après la très belle réussite d’Une vie démente, qui s’attaquait avec une poésie poignante à la maladie d’Alzheimer, le tandem Ann Sirot et Raphaël Balboni aborde la sexualité au sein d’un couple sur le point d’avoir un enfant : la thématique du palier décisif reste toujours l’enjeu majeur, avec son lot d’angoisses, d’attentes et de voies de traverses pour s’enfuir à toutes jambes. Mais en se resserrant sur un noyau plus strictement conjugal, la tonalité prend des airs plus loufoques et innocents. Ainsi de ce postulat, selon lequel le couple doit revivre toutes les relations sexuelles passées pour pouvoir débloquer son infertilité : une idée farfelue qui va permettre une ribambelle de situations convoquant une certaine idée de la révolution sexuelle des années 60 et 70, durant lesquelles on expérimentait la notion d’amour libre. L’écriture, assez amusée, imagine ainsi tous les cas de figure dans les retrouvailles avec les ex, et un catalogue des profils allant de l’ex hétéro à la coloc féministe, en passant par une situation familiale aussi gênante que croustillante.
Le ton du duo reste sur le même créneau, injectant dans chaque situation une fantaisie mêlant des effets vérités à la poésie la plus factice. Un montage cut pour les conversations donne le sentiment de fragments prélevés à la volée d’un réel improvisé, même si c’est parfois l’effet inverse qui se produit. En contrepoint, de nombreuses séquences purement oniriques visent à matérialiser la quête fantasmatique du couple. Dans cette étrange pièce, déjà, où ils inscrivent au mur l’évolution de leur parcours constellé d’ampoules incandescentes, et jusqu’à une succession de clips sur la représentation des diverses expériences sexuelles, jouant à chaque fois d’un accessoire déclencheur (une chambre à air, une danse, un sèche-cheveux), dans une vision festive et déconnectée de la volupté.
La structure est finalement très identique à celle du film précédent, le couple se mettant à l’épreuve avant un apaisement retrouvé, l’occasion de mettre à mal le modèle familial qui a finalement bien survécu aux années de supposées libération. C’est probablement ce qui explique cette légèreté généralisée, joliment interprété par le second rôle de Florence Loiret-Caille : l’idée de trouver un équilibre dans une marge, et d’aller chercher, hors du cercle, les voies permettant l’accomplissement. Si le film ne trouve pas la force d’émotion du précédent, il poursuit dans une veine pop et sémillante un questionnement sur les déclinaisons contemporaines des invariants amoureux, et renouvelle le désir quant au prochain opus de ce talentueux duo.