“I always thought it would be better, to be a fake somebody... than a real nobody.”
Impossible de ne pas comparer ce film avec la version de Clément. C’est d’autant plus intéressant que les choix opérés sont radicalement différents ; l’ombre du modèle ne plane pas vraiment sur cet opus qui propose sa vision du drame.
Première différence, de taille, l’absence d’ellipse. Ici, tout est dit, tout est restitué, le film gagnant en durée (2h20). La mission confiée à Ripley, sa prise de contact avec Dickie, tout s’enchaine avec logique et malice.
Les 3 premiers quarts d’heure sont grandioses, notamment grâce à l’épaisseur donnée au personnage de Dickie par Jude Law. Solaire, insupportable, d’un charme irritant, il irradie tous ceux qui l’approchent, à commence par Ripley, petit être en devenir. Les scènes d’initiation, au jazz, à la mondanité, occasionnent le dévoilement du talent du clone en devenir, notamment dans cet échange génial où il imite la voix du père à Greenleaf. Le trio d’acteurs Damon/Law/Paltrow est vraiment de grande tenue, et toute la première partie oscille entre fascination et malaise grandissant. Les interventions de Seymour Hoffmann ne font qu’ajouter au talent généralisé.
A la grande différence de Delon, Damon se métamorphose physiquement, s’épanouit progressivement et devient beau. Toute la dimension homosexuelle, lorsqu’elle est implicite, est assez fine et pertinente.
Cela dit, à partir de la scène du meurtre, le film reprend le train plus convenu du thriller. Multipliant les pistes censées excuser Ripley, à savoir l’accident passionnel, le récit laisse échapper sa part de mystère.
Le développement du récit, alambiqué et complexe laisse totalement en plan ce qu’on avait chez Clément. Et c’est tant mieux, parce que le film retombe finalement sur ses pattes : il embarque le spectateur avec le protagoniste qui s’enlise dans ses mensonges. Chaque possibilité de rédemption s’accompagne d’un pas supplémentaire dans les rouages de l’escroquerie, et la fin en suspens nous laisse dans un état cauchemardesque, inextricable, qui est l’une des grandes réussites du film.