Je tourne autour de Proust comme un vautour depuis que je me suis prise de passion pour l’œuvre de Colette, mais je n'ai toujours pas ouvert le gros volume qui prend la poussière sur l'étagère des livres en souffrance. Du coup, je ne peux pas me vanter d'avoir tout suivi dans ce long film un peu étrange, mais il me faut convenir du fait que je ne me suis pas ennuyée pour autant. D'abord, il y a tous ces visages connus, comme si la fine fleur du cinéma français s'était donné rendez-vous pour ce tournage élitiste. Et comme deux décennies ont passé, largement, chaque plan nous tend le miroir de notre propre métamorphose en l'un de nos parents... du coup, on peut presque se croire en pleine Benjaminbuttonerie, et c'est plutôt marrant. Ensuite, il y a le microcosme bourgeois que Proust épingle soigneusement comme un entomologiste sur un fond de feutrine noire. Des personnages à la fois attachants et ridicules, dont le caractère pusillanime parvient à pointer parfois entre deux cérémonieuses courbettes. L'étiquette rigide de ce petit milieu friqué, finalement pas si éloigné de celle de la cour de Louis XIV, à bien y regarder, obligeait les gens à contraindre leurs véritables natures, qui revenaient bien entendu au galop à la première occasion, que chacun guettait avec la gourmandise qu'attisait l'insondable ennui d'un conformisme étriqué. On pourrait s'y sentir asphyxié, mais le film parvient bizarrement à ménager d'amples respirations en mélangeant les épisodes, la fiction et les souvenirs s'entremêlant parfois à s'y perdre. Je ne me suis pas formalisée de mes nombreux égarements tant j'étais hypnotisée par les antiquités accumulées dans chaque plan. Un vrai musée que je me suis régalée à parcourir avidement, surtout quand l'intérêt des dialogues m'échappait. Autant dire qu'il me faudra revoir le film une fois que j'aurai enfin plongé mon nez dans les pages de Proust. Éventuellement, puisque ça fait au moins 20 ans que notre rencontre subit des retards encore plus graves et nombreux que ceux des trains en gare de Tonnerre. C'est dire.

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le 23 janv. 2023

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