Avec ce film, Jean Cocteau savait là qu'il signait son dernier film, étant malade. Il a fallu l'intervention de plusieurs producteurs, dont François Truffaut, et la plupart de ses amis acteurs pour qu'il se fasse. Car il faut dire ici que toute notion d'intrigue, à part celle d'un homme qui, atteint d'une balle, voyage à travers le temps. On est là plus proche de la vie de Jean Cocteau et de ce qu'il a vécu ou aimerait vivre, jusqu'à soixante-dix ans plus tard.
C'est très abstrait, mais les images sont parfois superbes avec un procédé qu'aimait beaucoup Cocteau, qui est de filmer à l'envers et remettre ensuite à l'endroit à l'écran. Dans ce cas précis (qu'il utilisait déjà dans ses autres films, comme Orphée), ça donne une illusion d'apesanteur, comme si les personnages flottaient ou étaient en soi des esprits, ce qui sied au film. Ou alors des moments de pure poésie comme une fleur sans branches qu'on reconstitue ou un dessin qui se crée alors que Cocteau l'efface au tableau !
Le film étant assez court (1h20), et le mythe d'Orphée étant au fond peu utilisé, il faut vraiment s'accrocher pour tout comprendre, sauf la fin que je trouve magnifique, où Cocteau rejoint le ciel, avec des énormes lentilles pour remplacer les yeux (de l'âme), sous le regard d’œdipe, joué par Jean Marais. Si Jean Cocteau occupe, de manière presque narcissique, 90% de temps de présence à l'écran, plusieurs de ses anciens acteurs, et amis, interviennent, pour des rôles souvent brefs : Jean-Pierre Léaud, Maria Casarès, Edouard Dermit (qui fut son fils adoptif), Brigitte Bardot (mais là, faut pas cligner des yeux tellement on risque de la rater), Charles Aznavour, Alice Sapritch, ou encore Yul Brynner. Pour l'anecdote, ce dernier, grand ami de Cocteau, considérait que ce film était son préféré parmi ceux qu'il a joué ... alors qu'il n'est à l'écran que 30 secondes !
Je ne connais pas par cœur la vie de Jean Cocteau, mais voilà un film ô combien singulier, mais qui, de manière souvent troublante, est au fond une manière distrayante pour l'auteur de parler de la peur de la mort, qui est présente en permanence.