Premier opus du diptyque d'un Fritz Lang en fin de parcours, plein de sa longue expérience américaine et visiblement ravi de retrouver son pays, ainsi que la liberté de filmer une épopée pleine d'exotisme et de couleurs épicées.

La première fois que j'ai vu ces deux films, j'avais préféré le second. J'avais été un peu endormi par la lenteur évidemment de ce premier chapitre. Je dis évidemment, parce que le scénario de Werner Jörg Lüddecke tiré d'un roman de Thea von Harbou se doit de présenter la trame, les personnages et les enjeux pour les deux volets. Mais à la revoyure, ce bémol s'envole, coup de bol! J'ai été beaucoup plus enclin à admirer le film pour ce qu'il est et non pour ce que j'en avais attendu. Dans le rythme, comme dans le style, on est très loin des canons hollywoodiens sur certains aspects. On sent que Lang s'octroie ces libertés d'exposition et de partis pris esthétiques personnels que les studios lui auraient refusé. C'est bête de dire ça, mais souvent on a le sentiment de retrouver le style allemand de Fritz Lang. Il y a du Nibelungen dans les décors sauvages, des dramaturgies à la Dr Mabuse aussi. L'expressionnisme allemand semble réapparaitre à plusieurs reprises.

Mais ce qui fait le charme du film c'est avant tout la caractéristique d'un style particulièrement kitsch et je pense tout à fait assumé. A ce titre, j'ai souvent pensé à Edgar Pierre Jacobs, le dessinateur belge, à ses planches austères, rudes, très descriptives, détaillées et aliénant ses personnages à des postures d'attente et de tension. Autre point qui m'a enchanté, c'est l'énorme travail photographique de Richard Angst sur les couleurs. C'est un festival formel. L'image très ouvragée, ai-je envie de dire en repensant à ces contours ténébreux, cette netteté de grain, encadrant la chatoyance des décors, assure un spectacle qui sort de l'ordinaire. A noter que Wild Side assure une très belle édition dvd qui permet d'en profiter au maximum. Quant aux cadrages, il sont excellents, comme d'habitude avec Fritz Lang toujours attentif à cet aspect de la mise en scène. Ils créent des jeux de ligne, avec la magnifique architecture indienne comme avec celle qui a été créée en studio. La mise en scène emprisonne les mouvements des personnages dans un labyrinthe inextricable que forment les couloirs du palais du Maharadja et les galeries souterraines interminables (encore du E.P. Jacobs!).

J'ai évoqué l'exotisme du sujet et du cadre, mais si l'on change une lettre, on peut également soulever un petit voile sur l'érotisme, léger soit dit en passant, de ce premier chapitre. Avec Debra Paget, les danses lascives sont plutôt bien exécutées et font admirer la beauté musclée et charnelle de la comédienne. Dans un autre style, pas encore vraiment exploitée par Lang, j'ai un petit faible pour la Paluzzi. Son rôle est sommaire, mais ses yeux m'hypnotisent déjà, 6 ans avant son rôle croquant dans Thunderball.

Passé le moment de surprise puis celui d'adaptation à entendre les indiens parler allemand, on sirote un très agréable moment de ciné. Ce divertissement reste superbe. Peut-être certains peu habitués le trouveront daté et en seront déçus. Au contraire, j'estime que cette "patine" lui confère un charme ravissant. Je suis peut-être ennuyé par certains temps morts un peu trop gênants, ce qui ne sera plus le cas sur le second opus. Que ce soit pour les personnages ou pour les comédiens, le meilleur est à venir. Ce premier épisode donne les bases et les ingrédients, mais la cuisine, si elle est d'ores et déjà goûtue, sera véritablement délicieuse dans "Le tombeau hindou".
Alligator
8
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le 23 janv. 2013

Modifiée

le 4 juil. 2013

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Alligator

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