Dans le Tombeau des Lucioles, la lumière de ces petits insectes est aussi intense que leur vie est éphémère. Elles éclairent l'abri près de l'étang, sous les moustiquaires. Comme le ciel d'une nuit étoilée, instant de bonheur fugace dans le quotidien d'un frère et d'une soeur.
Si la lumière des vies de Seita et Setsuko est aussi intense que celle des lucioles, elle s'éteindra cependant lentement. Etouffée par les images d'une mort aveugle et de la souffrance qui s'exprime dans les pleurs ou dans un râle. Par les corps calcinés, les blessés évacués, la vermine qui infeste les cadavres, les alertes et le feu des bombardements. L'enfance de Seita n'est déjà plus. Lointains souvenirs des jours heureux, de cet après-midi à la plage, de cette photo familiale, de la voix maternelle et de sa bienveillance.
Seita se bat pour survivre et protéger Setsuko des affres de la guerre, du deuil, de la perte de l'être cher. Plusieurs fois, nous le verrons courir à contre courant de la foule, métaphore des difficultés, de l'égoïsme contre lequel ils se heurteront. Celle de leur tante tout d'abord, envieuse des biens de la famille de marins chez qui "on ne se refuse rien". La solidarité est une illusion, le chacun pour soi une religion. Les difficultés seront encore plus insurmontables si l'on s'exclut soi-même de la communauté, si l'on vit en marge, près de cet étang qui a tout du lieu de vie idéal dans les yeux d'enfants.
Il n'y a plus que le moi pour toi. Ce frère qui prend soin de sa petite soeur du mieux qu'il peut. Car elle est tout pour lui, et lui tout pour elle. Plus que l'arrière-plan de guerre, de peur, c'est cette relation qui émeut, qui bouleverse. Ces instants où la caméra embrasse les silences tristes ou les sentiments de la petite Setsuko, isolée, prostrée, en train de pleurer toutes les larmes de son corps, tandis que son frère essaie de la détourner de sa douleur. Setsuko, c'est l'enfance des petites joies minuscules et attendrissantes, comme celle des grandes peines. C'est cette boîte métallique de bonbons au goût de fruits que l'on remplit d'eau pour en goûter une dernière fois les saveurs mélangées. C'est cette boîte qui est conservée sous les haillons pour se souvenir de la vie, de ses erreurs. La même boîte rouillée et cabossée qui sera jetée au bout de l'agonie à laquelle personne ne prête attention. Qui dégoûte.
Le Tombeau des Lucioles, c'est l'histoire d'une mort lente de l'enfance jusqu'au bout de l'indicible. C'est aussi des adieux à la fois déchirants, dignes et courageux. Mais Le Tombeau des Lucioles, c'est surtout des retrouvailles. Une soeur qui retrouve son grand frère dans les lumières qui s'élèvent et qui éclairent la nuit. Un regard posé sur leurs deux derniers mois, les liens émouvants qui les unissent. Un visage apaisé posé sur les genoux de Seita. Une main passée dans les cheveux de la petite Setsuko. Un repos éternel, une libération.