Ce qu'il faut absolument avoir en tête, avant d'envisager voir Le Torrent, c'est que malgré son label thriller, catégorisation ô combien réductrice, le film n'est pas du tout bâti sur un quelconque suspens policier.
Car Anne Le Ny choisit de vendre la mèche très rapidement sur la nature de la disparition qu'elle met en scène. Comme si elle voulait faire comprendre que cet aspect-là de l'exercice ne la botte pas des masses.
Le film aurait-il était plus réussi, ou au moins différent, si cette scène-clé avait été différée, ou tout simplement retirée du montage final ? La question mérite sans doute d'être posée. Même si celle-ci est dépendante de la classification de l'oeuvre et des attendus qui en découleraient nécessairement dans l'esprit du public.
De quoi sans doute qualifier le long métrage de nouveau téléfilm mou exploité au cinéma aux yeux de certains, critiques simplistes à l'appui.
En l'état, Le Torrent sera donc bien moins un thriller qu'une peinture des répercussions de cette disparition, d'autant plus que la victime est moins irréprochable qu'il n'y paraît. Secousses telluriques au sein de la famille recomposée et de son environnement.
Anne Le Ny y questionne tant les apparences que la solidité des liens familiaux, en choisissant de pousser sur le devant de la scène une jeune fille et son père. Un père incarné par un José Garcia moins exubérant, que l'on a plaisir à retrouver dans un rôle dramatique fort après celui qu'il a pu endosser chez Costa-Gavras dans le formidable Le Couperet.
Anne Le Ny le filme comme perdant peu à peu pied dans sa vie hier bien rangée, finalement emporté dans le torrent que ses mensonges et autres petits arrangements. Etre emporté malgré tout par la lourde machine judiciaire. Emportant avec lui l'insouciance de sa fille, solidaire et qui le soutient jusque dans ses errements.
Si ce duo n'est pas a priori sympathique, on ne saurait rester de glace devant leurs émotions contradictoires ou leurs regrets, tant ces deux là sont intimements liés dans cette chaîne de raisons aboutissant à la tragique disparition. Et si José garcia ou encore André Dussollier brillent, c'est bien Capucine Valmary qui leur vole la vedette en plus d'une occasion en incarnant une jeune fille comme tant d'autres évoluant vers le rôle de pilier inattendu de cette famille se reconstruisant peu à peu après le deuil.
Un père et une fille incarnant aussi la rédemption et le pardon, sous l'oeil d'une caméra évoluant dans la nuance et la fragilité des apparences. Un défi d'équilibriste qu'Anne Le Ny relève haut la main.
Behind_the_Mask, qui fait le malin et tombe dans le ravin.