Sur le chemin du retour après la séance, le métro s’arrête à Compte de Flandres. Coincé entre des supporters bosniens et belges venus assister à un match capital pour la qualification à la coupe d’Europe, je repense alors à cette scène, tournée à quelques mètres de moi et à cette phrase dévastatrice : « La vie c’est comme une patinoire. Beaucoup de gens tombent ». Si la bande-annonce introduisait une comédie linéaire se jouant des idées sur la religion, il n’en est rien. La comédie n’est pas le but, ce n’est que le moyen d’aborder, toujours avec subtilité, des sujets plus sombres : les réfugiés, la violence conjugale et sur enfants, les sans-abris, la malbouffe, la solitude…
Avant d’arriver chez ma grand-mère qui m’attend avec un moule-frites et une Duvel (véridique), je passe encore par différents lieux du tournage, dans ce quartier de Bruxelles qui m'a vu grandir. Mais si l’environnement m’était familier, l’ambiance du film aussi. On retrouve le point de vue de l’enfant de Toto le héros, le clin d’œil à Pascal Duquenne du Huitième jour et la thématique du choix de Mr. Nobody. Le tout nouveau testament est le film le plus personnel de Van Dormael, le plus holiste et surtout le plus musical, tant celle-ci est présente du début au fin, dialogues ou pas.
La tête de Jaco Van Dormael fourmille d’idées et le film touche à tout. Les effets visuels métaphoriques sont abondamment utilisés, parfois à l’excès même. Mais l’esthétique, frontale et symétrique, cherche toujours la poésie, parfois à partir du quelconque : une prothèse qui s’articule et effectue une chorégraphie ou des sacs plastiques fouettés par un vent virevoltant, hommage à American Beauty, grande source d'inspiration du film.
Dans ce tourbillon inventif, on se perd dans nombre de scènes cocasses, sans que l’émerveillement ne nous quitte cependant. Les sous-entendus sont multiples ou hermétiques, on recherche parfois un sens là où il n’y en a pas. Et pour cause, Van Dormael n’essaie pas de tout expliquer, citant le philosophe Deleuze : « le cinéma et la religion ont un point commun, essayer de faire croire que la vie pourrait avoir un sens ». Restent alors les expériences, l’humain, la vie.