Que faire du reste de nos vies ? La question, on se la pose assez souvent, bien que vivre nous fasse parfois oublier que l'on va mourir un jour ou l'autre. L'erreur est humaine. Dès lors, nous allons chaque jour à nos occupations, sans se dire que tout va pouvoir s'arrêter parfois même sans raison aucune. Mais, si un décompte - envoyé tout droit de Bruxelles par la fille de Dieu - nous annonçait, minutes par minutes, notre temps restant sur Terre, que faire ? Continuer à vivre, tout claquer et parcourir le monde ? Changer, demeurer tel qu'on est ? Impossible de répondre à cette question sans être vraiment face à l'échéance. D'ailleurs, Jaco Van Doermael ne donne pas, lui non plus, de vraie réponse à ce questionnement car ce n'est pas vraiment ce qui l'intéresse dans ce film joyeux, bordélique et poétique qu'il nous propose. Ici, Dieu est un salaud, rien à dire de plus. Poelvoorde fait le job, aussi odieux que possible, voire plus. Assez en tout cas pour faire fuir sa fille, Ea, la petite sœur de J-C (oui, oui, celui qui a été cloué non pas sur un cintre , mais plutôt sur une croix). Avant de partir, elle met en berne la toute puissance de Dieu le père : son ordinateur. Les voilà alors projetés au cœur du monde avec deux objectifs bien distincts.
Ea veut aller à la rencontre des 6 apôtres qu'elle a choisi au hasard pour écrire le "Tout Nouveau Testament" et ce, sur les conseils avisés de son frère. A partir de là, le film se transforme en une succession de sketchs (ou devrait-on dire de petits miracles) où la vie, la plus banale qui soit, bascule. De Catherine Deneuve (déroutante) à François Damiens, nous découvrons des vies, des parcours, confrontés à la voix d'une petite fille qui découvre "la petite musique intérieure" de chacun. On passe alors de la musique classique à notre répertoire de chansons françaises, tant le cœur des gens est montré tout aussi simple que complexe. Rouage extrême de renoncements et de petits égoïsmes, tout autant que page vide prête à se lancer dans l'amour après un regard. L'esthétique est parfois kitsch, on rit franchement aussi, de pitreries plus ou moins réussies, mais aussi de petites pépites qui rassemblent. Le ciel s'éclaircit au-dessus de la tête de nos apôtres, toujours guidés par une petite déesse en puissance et son ami SDF, improvisé écrivain (enfin presque). La religion n'est plus ici consacrée à une puissance, une figure mythique et adorée de tous, mais à des gens, des tous petits qui veulent changer les choses, à leur échelle.
Pas sauver le monde, non, Jaco Van Doermael n'a pas cette ambition. Il propose simplement une fable teintée de fantastique, où se mêlent humour et poésie avec des personnages souvent touchants. Le regard se déplace à hauteur d'enfant, mais sans vraie niaiserie. La fantaisie se délivre par petites touches. Jaco Van Doermael ne passe pas à côté de quelques imperfections ou facilités, il ne révolutionne pas par son discours sur l'homme ou la femme (une petite poupée ou une mère qui parle peu et fait le ménage en chantant, vivant exclusivement pour le crochet, son fils mort et les 18 joueurs d'une équipe de hockey). Pourtant le film nous surprend tant son humour en apparence si évident se révèle d'une grande finesse. Le résultat ? Nous donner envie d'aller voir au-delà de tout ce qu'on a pu jusqu'alors imaginer ou penser, ne pas subir. Nous faire lever les yeux au ciel, mais vers autre chose qu'un Dieu tout puissant (et forcément aimant). Tout ça pour dire combien la Terre est plus qu'un simple passage pour nous, que c'est une petite révolution intérieure.