Gabin face à Blier
Jean Gabin, dans la dernière partie de sa carrière, continue son petit bonhomme de chemin entre les rôles de flics, de juge, de truand et de paysan patriarche. Ce sont tous des films qui, sans être...
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Il s'agit d'un des films de Gabin les plus méconnus, et en même temps j'ai du mal à comprendre l'acharnement de mauvaises notes sur ce polar qui pourtant est bien dans le ton de l'époque, c'est à dire qu'il commence à être violent et qu'il s'inscrit dans la norme des polars français du début des années 70, faisant le pont entre ceux des années 60 encore "propres", millimétrés, remplis de code d'honneur, de relations bien établies entre la police et le milieu des truands, avec souvent un humour bon enfant ou cynique, et ceux à venir dans les années 80 qui balaieront les conventions.
Ici, fini les polars au ton sixties, c'est une co-production franco-italo-allemande, un polar sérieux, sans humour, grave et violent, le genre de film qui permet de mesurer le changement de la société en France qui à l'aube de cette décennie, connait une véritable mutation, annonçant les polars plus réalistes des années 80. Paris change aussi, on y voit l'immense chantier des Halles, les méthodes de la police française également deviennent plus modernes, symbolisées par les velléités du nouveau chef de la Sûreté incarné par Bernard Blier. De son côté, Gabin symbolise les méthodes à l'ancienne qui donnent encore des résultats, il manipule habilement la pègre à son avantage, un peu comme le faisait son personnage de flic dans le Pacha.
Les 2 blocs ne pouvaient que se confronter, et ce qui est intéressant, c'est l'opposition d'abord de Gabin-Blier, puis la manière de mélanger leurs 2 méthodes qui finiront au final par triompher. C'est pourquoi ce polar peut sembler plus mou au premier abord, mais je crois que c'est voulu, il s'agit avant tout d'un polar psychologique où l'action est laissée de côté au profit du job des flics et des méthodes policières. Il y a quand même de l'action avec le personnage de Fabio Testi qui campe un truand qui n'hésite pas à flinguer, et le piège qui se referme sur lui à la fin, est un bon moment de bravoure.
C'est pourquoi je comprend mal la mauvaise perception de ce film par les autres notes que j'ai vues, il y a le solide métier de Denys de La Patellière qui gère bien le truc, une ambiance un peu lourde, et surtout l'ensemble est bien servi par ses acteurs. En premier, Gabin, certes un peu fatigué, c'est normal, c'est un de ses derniers films, tourné entre le Chat et l'Affaire Dominici, mais il est égal à lui-même, malgré l'absence des dialogues d'Audiard ; rien de piquant, de fleuri ou d'amusant ici, c'est un personnage de flic au caractère peu loquace, qui fait son boulot et qui a cependant des réparties bien pesées. En face de lui, Blier apporte tout son poids dans un personnage de chef impérieux, Fabio Testi est un acteur du cinéma italien populaire des années 70 qui incarne un truand peu charismatique mais énergique, on le reverra dans le cinéma français, notamment dans Nada de Claude Chabrol. On trouve ensuite une galerie de seconds rôles consistants comme Jacques Richard, Félix Marten, Ginette Garcin, ou le jeune Gérard Depardieu qui monte d'un cran après le Viager, ici il a un petit rôle plus consistant et plus de scènes, dont une avec Gabin.
Bref, moi je ne me suis pas ennuyé, je ne trouve pas ce polar minable ou inintéressant, c'est une sorte de document très parlant sur les changements sociétaux des années 70 et ceux que le genre connaissait sur le plan cinématographique ; pour moi, ce n'est pas à oublier mais carrément à réhabiliter.
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le 28 août 2021
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