Le tueur guindé
Un peu déçu. L'intrigue est un peu mince : le côté minimaliste n'est pas pour me déplaire, ni la simplicité du récit ; ce qui m'embête c'est que les scènes ne soient pas plus riches, plus nourries et...
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le 4 nov. 2018
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Peter Karsten aime jouer la comédie, ou plutôt la tragédie : le jour, il est un simple ouvrier ; le soir, il s'habille avec soin et traîne dans les cabarets. Malheur aux jeunes femmes qui font confiance à ce monsieur bien mis et galant : elles risquent de succomber... définitivement !
Il fallait une audace certaine à Robert Hossein pour écrire et réaliser ce film plutôt inconfortable, et en plus en interpréter le personnage principal, qui, s'il peut susciter la pitié, n'a aucune chance de provoquer la sympathie ou l'adhésion ! Du tueur sadique dont les crimes horrifièrent l'Allemagne du début des années 30, Hossein fait une sorte de clown triste au visage impassible, asocial, introverti, peu loquace, pour qui le désir ne peut aboutir que dans la mort. Il est l'héritier du Norman Bates de "Psychose" et du photographe du "Voyeur", et l'ancêtre du personnage éponyme d' "Henry, portrait of a serial killer", le film souvent insoutenable de John McNaughton. Hossein a également gommé une des caractéristiques du Karsten originel : le sien n'est pas un tueur d'enfants, ce qui aurait eu du mal à passer devant les comités de censure de l'époque ! Même si Bunuel osa cela à la même époque dans une scène très elliptique du "Journal d'une femme de chambre".
On ne saura quasiment rien du passé de Karsten (on notera juste, à la vue du casque à pointe qui orne son bureau et évoque son arme favorite, qu'il est un ancien soldat, comme la plupart des hommes de sa génération) et, quand il laissera échapper une confidence à son amante, celle-ci n'en entendra rien, car elle est partie jouer à cache-cache, qui est aussi un des jeux favoris de Karsten. Cette amante, la chanteuse Anna, interprétée par une Marie-France Pisier débutante et séduisante, est son antithèse : charnelle, extravertie, gouailleuse. Elle ne sera pas sa rédemption : il l'épargnera, mais seulement temporairement.
Hossein met en fait en scène une société à l'image de son « héros », où le délitement est généralisé : l'Etat part à vau-l'eau, la misère est partout, l'armée tire sur les chômeurs, les SA vandalisent et assassinent impunément, la ville évoque un décor à l'abandon, la police est incapable d'arrêter les criminels. Pourtant impliquée dès le début du film, la police non seulement ne parvient pas à capturer Karsten, mais le laisse échapper à plusieurs reprises. Méthodique, précis, et par conséquent rusé, Karsten se paiera même le luxe d'éliminer une témoine gênante et une femme qui avait survécu à une première attaque. Pire : son dernier meurtre sera en quelque sorte son chef-d’œuvre, puisqu'il le commettra en public, au milieu d'une foule paniquée qui ne remarque rien, pas plus que la police, une fois encore inefficace. Si Karsten sera finalement arrêté (puis exécuté), on ne verra pas la scène à l'écran, un texte nous l'apprendra, comme s'il était impossible de stopper sa folie homicide.
Car c'est là finalement le propos de Robert Hossein : montrer la fatalité, ou plutôt un mal qui se répand et que rien n'arrête. Karsten est une sorte de pionnier : quelques années après, l'assassinat d'innocents se généralisera, et à un tout autre niveau !
Créée
le 28 avr. 2021
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