Le comte Regula est en vérité très éloigné du Dracula que son nom évoque ostensiblement. Celui-là ne trouve pas ses sources dans l’oeuvre de Bram Stoker, mais dans The Pit and Pendulum d’Edgar Allan Poe. Mais c’est encore un prétexte ; de ce récit qui inspirera à Corman la merveilleuse Chambre des Tortures, Harald Reinl ne conserve que la scène phare du pendule.
Le scénario est simple et grandiloquent, comme le veulent la tradition et les aficionados du bis macabre des années 1960 (dont Corman et Mario Bava sont les phares). Écartelé en place publique pour avoir torturées et tuées douze jeunes filles dans son château, Regula jure de se venger avant de mourir. Trente-cinq ans plus tard, la baronne de Brabant, une pianiste dont la mère fut tirée des griffes du comte, et l’avocat Roger de Mont-Elise sont invités au château d’Andomai. Accompagnés de la domestique de la baronne et d’un curé insolite, ils ne trouveront leur hôte qu’au terme d’une traversée en forêt aux allures de road-movie gentiment sinistre.
Après une première demi-heure un peu embarrassée, le métrage monte en puissance : les pérégrinations hasardeuses des quatre compagnons cèdent la place à une totale étrangeté qui ne s’éclipsera que pour un final ironique et complaisant. Tout est là : les dialogues ampoulés, les poursuites dans les catacombes… Mais à l’imagerie qu’il ressasse [religion, rencontres étranges, symbolisme mortuaire], Le Vampire et le sang des Vierges superpose un ton plus "décalé" qui différencie ce film allemand du tout-venant du cinéma gothique de son époque [d’ailleurs, Christopher Lee est moins effrayant et mis en valeur que le maître de maison].
Avec ses cuivres et synthés, la musique de Peter Thomas est la première à rompre avec les codes du genre, flirtant avec le psychédélique précoce. L’esthétique très colorée [les instruments du château, les fresques..] et ses accès fétichistes [le bourreau torse nu, l’invitation du comte apportée par un unijambiste..] rapprochent le film des mœurs italiennes (Une hache pour la lune de miel, etc), tandis que le surréalisme ambiant et les décors saugrenus évoquent Wojcieh Has, futur auteur de La Clepsydre.
Le film contraste avec la froideur récurrente de l’épouvante old school (surtout de la Hammer), un peu pour ce goût du bariolé digne d’un Jodorowsky junior ; surtout parce que sa décontraction, voir sa désinvolture sont en dissonance avec l’éternelle solennité de ces aventures d’outre-tombes. Le récit assume pleinement son opportunisme pour se permettre de surenchérir dans un esprit de train-fantôme, quitte parfois à tordre la logique. Le Vampire et le Sang des Vierges ne réclame alors aucune profondeur, se consacrant tout entier aux visions dantesques que suggère son intrigue un peu branque. Pour les amoureux de kitsch funèbre, c’est un peu le paradis ou à défaut sa visite guidée hystérique. Mais attention, pour eux uniquement.
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