En 1994, le réalisateur danois Ole Bornedal tourne son premier long-métrage : Le veilleur de nuit, où un étudiant en droit travaille à la morgue. Trois ans plus tard, il supervise le remake américain avec Ewan MacGregor et Patricia Arquette. Le résultat est un de ces divertissements futiles et vénéneux de son temps, un thriller typique des années 1990, avec un surcroît d'élégance dopant l'envie d'aimer (photo de Dan Laustsen, intervenant plus tard sur Le Pacte des Loups et Silent Hill). Le programme en général oscille entre polar conventionnel et jeux prudes autour de quelques motifs propres, comme la nécrophilie ; les révélations en particulier n'en sont pas vraiment.
Très graphique, Le veilleur de nuit est une de ces expériences régressives n'exigeant pas de s'abîmer les neurones. Le spectateur est bercé au point de vue narratif, les protagonistes semblent naître dans le slasher pour tirer vers un semblant de conte décrépit, dont la mythologie serait une enveloppe vide mais superbe, les participants les pions d'un mental opérationnel et mesquin par défaut, en train de tisser une boucle à la dérive. Un bal de fantômes ordinaires se déploie sans prévenir ; le veilleur est dans l'inter-monde, assailli par des ennemis invisibles et puissants, en stress ; face à d'autres qui semblent habitués à arpenter les zones d'ombre, il est en position d'enfant.
Deux des personnages (leur nombre est serré) sont de francs nihilistes (le flic et l'assistant), mais des nihilistes polis, formels, qui auraient dévorée leur propre aigreur. Pour un cinéphile endurci, Le Veilleur de nuit ne sera qu'une anecdote, mais dans le domaine du cinéma creux fournisseur de sensations douces et d'ambiances grisantes, c'est un excellent opus. Un The Cell crispé plus qu'un thriller classique. Que Bornedal ait produit Del Toro en même temps (pour Mimic) est cohérent, tous les deux transforment des fantaisies sombres en raison d'être d'images vaniteuses, mettant un voile ludique sur des poisons chimériques. Bornedal semble atteindre le point d'équilibre qui manque aux productions de l'espagnol (sorti du bois avec Cronos, très froid), souvent dépassé par des ambitions et motifs flous, au point de galvauder son énergie et même sa passion dégoulinante.
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