Habitué à représenter les opprimés (Family Life), ouvriers (Kes) et exclus (Sweet Sixteen), Ken Loach ne s'arrête pas aux généralités ou aux temps qui courent. Il a porté à l'écran plusieurs cas historiques. The Wind that shakes the barley ('le vent qui agite l'orage' traduit en français par 'Le Vent se lève') évoque les débuts de la guerre civile irlandaise et de l'IRA, dans les années 1920, prolongeant une guerre d'indépendance partiellement remportée par les irlandais. Ce film a de nombreux points communs avec Land of Freedom, sur la révolution sociale en Catalogne de 1936.
Onze ans après Loach prête toujours beaucoup d'attention aux séquences de débats intenses et décisives. Les joutes idéologiques ou esthétiques sont inclues mais ne peuvent être gratuite. Dans les deux cas surtout, il s'agit d'affrontement dans le même bloc : les deux gauches dans Land of Freedom, les deux branches autonomistes dans Wind that shakes the barley ; avec des radicaux, révolutionnaires contre des déviants, dans la compromission avec l'ennemi au point d'en devenir de nouveaux encore plus féroces et carrément absurdes. Le conflit entre les attachements individuels et l'engagement collectif est aussi traité dans la foulée.
L'émotion n'est cependant pas le fort du film, bien trop maladroit et simpliste lorsqu'il cherche à parler la langue des sentiments, voire celle des relations humaines. L'attrait du film est là où il a mis son intelligence : décrire la charge pesant sur les épaules des acteurs de l'Histoire, les contradictions et les impasses auxquelles ils se heurtent, le vertige des troupes même armées ou sur-motivées face à des forces historiques, matérielles et structurelles prêtes à les dévorer crues ; malgré l'hypocrisie, la corruption ou la désuétude de leurs bases. Sur ce dernier point la boussole révolutionnaire se ressent et donne une couleur particulière à ce qui pourrait être tragique, désespérant et demeure héroïque.
Les démêlées politiques face aux adversaires étrangers sont assez pauvres et toute la première partie du film est pourrie par le manichéisme. Le parti des opposants puristes, ceux de l'IRA après 1922 (dont le personnage joué par Cillian Murphy), est la ligne choisie par le film et ses organisateurs. Une préférence pas sans conscience : on sait apprécier les divers points de vue, envisager les partisans du traité comme des égaux éloignés ; mais également être ironique et à l'occasion, envisager l'existence des 'non-alignés', ce bord toujours contrariant du simple peuple qui ne peut s'abonner aux aventures. La première Palme d'Or cannoise de Ken Loach tient par son contenu et son propos : les choix esthétiques sont négligents (intérêt minime pour les paysages, les lumières), le sujet et son traitement 'entier' travestissent un rythme mou et des peintures superficielles.
De plus Le Vent se lève est engagé bien au-delà du fait de montrer (les fautes passées des voisins anglais), ramenant à la primauté de la lutte des classes sur toutes les autres. L'émancipation d'un pays ne vaudrait que par là, sans quoi il ne s'agirait que de reproduire les mêmes schémas en changeant les noms, voire en devenant une succursale des impérialistes. Harot sur le nationalisme bourgeois des nouveaux notables (et en passant sur les institutions éternellement complaisantes comme le serait l’Église catholique) – l'aspect fantoche de ce nationalisme, pour lui-même, ne suscite pas d'intérêt. Il faut consulter Le Vent se lève comme une tribune passant par la fiction et non une compilation rigoureuse de faits.
https://zogarok.wordpress.com/2016/11/27/le-vent-se-leve-loach/