Annoncé comme le dernier film de Miyazaki, Le Vent se Lève a fait couler autant d'encre que de larmes. Personnellement, ayant vécu chacun de ses films depuis Princesse Mononoké comme le dernier, j'ai eu le temps de m'y faire : chaque nouveau film était pour moi comme un cadeau... Et à la rigueur si ça venait à être son ultime dernier, tant mieux ! Finir sur une telle note, quelle grâce ! ( C'est comme si Tim Burton s'était arrêté après Ed Wood ! On aurait râlé sur le moment, mais avec le recul... )
Le Vent se Lève, on le sait tous maintenant, raconte les jeunes années de Jirô Horikoshi, ingénieur aéronaval de génie du siècle dernier. Mais ne craignez pas un biopic chiant qui empile les anecdotes sans chercher à établir de discours. Il n'y a pas dans ce film LA scène où le héros trouve tel boulon pour tel écrou qui va révolutionner la vie... Miyazaki regroupe au travers de l'obsession de cet homme ses propres thématiques de toujours. Il manque sans doute une horde de cochons, mais on y retrouve les avions, bien évidemment, ainsi que des considérations sociales, des enfants au pied d'un lampadaire, une puissante métaphore sur la création artistique, une prude histoire d'amour, et surtout l'Histoire du Japon au sens large.
Un japon entre deux époques, à la fois brillant et à la traine, cherchant à rattraper la révolution industrielle au mépris du simple bien être de ses habitants... L'image des bœufs tirant les avions, fleuron de la technologie moderne, restera gravée dans les mémoires. Ce Japon, Miyazaki ne l'aime ni le condamne. Il le montre comme il le pense. Assez fort pour survivre aux pires tremblements de terres et assez naïf pour s'engager dans une guerre déjà perdue sur le papier...
Cette guerre dans le film est le cadet des soucis de Horikoshi. Dès son premier rêve pourtant il entrevoit la menace que représente les armes volantes, mais il ne recule jamais devant l'évidence : il fera des avions, point. Pour lui les avions ne sont pas dangereux. Un travail original sur le son transforme d'ailleurs le vrombissement des moteurs et les débris des épaves en symphonie de voix humaines à peine déguisées...
Pour interpréter Jirô, Miyazaki fait appel à Hideaki Anno. Le gros choc du générique de fin ! Anno n'est autre que le créateur d'Evangelion et co-réalisateur de Nadia et le Secret de l'Eau Bleue... En outre il avait travaillé comme animateur sur Nausicaa. Choix audacieux, mais très pertinent et payant. Qui de mieux qu'un homologue artiste pour retranscrire l'obsession monomaniaque d'un homme capable de rester des heures sur une planche à dessin ?
Pour le reste, l'animation est toujours aussi précise et puissante, mais s'efface complètement devant la force du contenu. Secrètement j'attends son prochain film... Il suffit que Toshio Suzuki le malmène un peu !