C’est par une séquence de rêve que commence le film, celui d’un petit garçon s’évadant avec toutes les audaces de l’onirisme dans les airs sur son avion, hybride entre l’oiseau et la machine. Rêve fondateur de tout être humain cloué au sol, il permet à toute la fluidité et la beauté de l’animation du maitre de se déployer, avant de jouer l’Icare face à l’histoire nationale en germe.
Le film sera finalement la conquête de cet élan mental et sentimental, la passion du vol, en dépit des poids qui ramènent incommensurablement au sol : sa vue, déficiente, le contexte politique, la vie intime… autant de leçons sur les lois de l’attraction.
Film du mouvement, où s’ajoutent aux avions les trains, les bus et les bateaux, Le vent se lève dessine le portrait d’un parcours que rien ne semble pouvoir entraver, jusqu’au détriment de certaines valeurs. La première partie, un peu longue et répétitive, qui évoque les années de labeur et de tentatives, prépare notre héros au véritable envol, celui de sa carrière et de son amour.
Car à la vision du vol par l’ingénierie et l’aérodynamisme se greffe bientôt une autre élévation, celle du cœur, comme l’illustre cette très belle séquence d’échange avec Nahoko, relecture de Roméo et Juliette où le messager serait un avion de papier défiant les lois de la gravité.
Dès lors, Jiro se dévoue à deux élans, délaisse l’un pour l’autre, sans voir à quel point la mort et la destruction sont de toute façon les destinations de chacune d’entre elle.
Réaliste, historique, intime, ce dernier opus s’affranchit de la mythologie des précédents pour esquisser avec pudeur le portrait d’un couple, l’entremêlement complexe entre l’histoire collective et individuelle. Très touchant dans son évocation de l’amour, Miyazaki le pare de la grâce du vol : un chapeau qui s’envole, des cheveux en bataille, une colline verdoyante.
Récit mélancolique et discrètement pessimiste, comme en atteste le tableau final qui n’est pas sans évoquer l’une des plus belles séquences de Porco Rosso, Le vent se lève se frotte au réel pour mieux valoriser les bénéfices de l’imaginaire : la poésie devient purement visuelle, l’envol esthétique, et les élans du cœur, certes contrariés, ne cessent de le dire : « il faut tenter de vivre ».
(7,5/10)