D'un côté, sortie de chez Sade, une Justine virginale; de l'autre, sa soeur Juliette, prostituée et collabo. D'un côté, Catherine Deneuve -dans un rôle plus secondaire; de l'autre, Annie Girardot; elles sont les héroines schématiques de cette transposition dans les deux dernières années de la seconde guerre mondiale de l'univers du Marquis.
Roger Vadim réalise un film en deux actes dont le caractère sulfureux est invariablement sabordé, ridiculisé, par la grandiloquence et la maladresse du cinéaste. La première partie du film marque la rencontre entre Juliette et l'immonde officier SS qu'incarne avec délectation Robert Hossein.
Amants pour le pire, on les retrouvera dans un château en Allemagne où des dignitaires nazis organisent des parties sado-maso.
Et qui figure parmi les jeunes filles prisonnières, sortes de vierges stupides revues sur le mode du romantisme allemand? Je vous le donne en mille:
notre candide -et un peu gourde- Justine.
On touche ici au fond du grotesque.
L'assourdissante musique simili-wagnérienne de Michel Magne accompagne les rituels nazis dont Vadim, elliptique, élude étonnamment le caractère cruel et érotique. Dans son uniforme noir, Robert Hossein incarne le mal absolu mais c'est un personnage théorique et démonstratif autour duquel s'organise une intrigue discursive. Les dialogues pompeux de Vadim, son style balourd, le manque de vérité et d'épaisseur des personnages: tout concourt à transformer ce drame manichéen et démoniaque en une involontaire farce, en un délire tragi-baroque sanctionnant la prétention artistique et intellectuelle du réalisateur.