C'est du terrible massacre survenu à Oradour-sur-Glane, l'après-midi du 10 juin 1944, dont s'est inspiré Robert Enrico pour réaliser ce film émouvant et terrifiant. Il faut rappeler que ce crime inqualifiable a fait 942 victimes.
En cette année 1944, les Alliés ont pris l'initiative et accentuent leur emprise. L'armée allemande se trouve dans l'obligation de se replier dans l'urgence et dans le plus grand désordre. Julien Dandieu est chirurgien à l'hôpital de Montauban. Il soigne et opère sans relâche les soldats des deux camps et également des résistants en compagnie de son collègue François. Sa dure journée terminée, le docteur Dandieu se réfugie bien au calme auprès de ses parents , de sa fille Florence et de son épouse Clara, avec qui il a refait sa vie, et pour lesquels il voue un profond amour. Les combats approchant de Montauban et les soldats allemands, revanchards, n'hésitant pas à user de sanglantes représailles, Julien Dandieu profite d'un instant de répit pour conduire sa famille à l'abri, loin de la ville, dans une vieille forteresse sensée être imprenable. Toutefois celui-ci ne supporte pas longtemps la solitude et décide quelques jours plus tard de rejoindre sa famille. Arrivant sur les lieux, le plus grand silence règne et Julien constate avec horreur que sa famille et les villageois ont été anéantis sauvagement par les nazis. Ceux-ci occupant le château, le docteur décroche un vieux fusil et profite de sa connaissance des lieux pour assouvir sa vengeance.
Julien Dandieu a donc épousé en seconde noce une femme qu'il adore autant qu'il vénère et dont il ne peut se passer. Ce couple idéal, parents d'une adorable petite fille, va se trouver dans l'obligation, pour la première fois, de se séparer et pour le docteur, c'est un véritable acte d'amour, soucieux , voir obsédé, par la sécurité des siens. Cet homme tranquille, dévoué et désintéressé va se retrouver face à d'atroces images qui, lorsqu'il en aura analysé l'horreur, vont faire basculer sa vie . Il n'a donc plus rien à attendre de l'existence. Les assassins sont à sa portée, dans sa propre demeure. L'occasion est alors unique pour, à son tour, massacrer ceux qui ont brisé sa vie et anéanti les siens. Il va décrocher un vieux fusil et se servir de celui-ci pour évacuer une partie de sa rancœur qui le tenaille et établir SA justice. Cet homme réservé va alors tomber dans un état de haine exacerbée et devient alors le contraire de ce qu'il était. L'astuce, le risque et la violence vont alors hanter sa personne et les assassins de sa famille en feront les frais.
Je reste un peu "entre deux eaux" avec ce film qui connut un immense succès et qui reste encore un film culte pour certains. En effet, cette réalisation retrace à merveille l'ambiance de province qui régnait à l'époque dans laquelle évolue cette famille modèle. Tout se prête fort bien au drame qui va se produire. On ne peut qu'être bouleversé par la scène insoutenable au cours de laquelle disparaissent ceux qui, pour le docteur Dandieu, étaient toute sa vie. Jusqu'à cette situation, le rappel de ce terrible évènement et la manière dont celui-ci est traité sont très bien réalisés. Par contre, si l'on ne peut que comprendre les réactions d'un homme détruit, le film dérape, dans sa seconde partie, vers un cinéma assez conventionnel même si la vengeance est traitée avec minutie et suspens. Ce n'est pas un documentaire que j'attendais mais j'ai tout de même l'impression, tel que j'ai perçu cette histoire, que l'on s'est servi de ce terrible évènement pour en faire un thriller. De ce côté, la réussite est parfaite mais me choque tout de même.
La réalisation est soignée. Elle est servie par l'exceptionnelle interprétation de Philippe Noiret, le docteur Julien Dandieu, qui nous fait étalage de toutes les facettes de son talent de comédien. Au fur et à mesure du déroulement de l'histoire, on le voit changer de personnalité avec un naturel absolu . Il nous prouve qu'il était un acteur polyvalent passant avec autant de bonheur de la comédie au drame. Il forme un couple charmant avec la talentueuse Romy Schneider, Clara sa femme, toujours aussi ravissante, mais que l'on voit malheureusement trop peu dans ce film en raison de sa terrible destiné. Il ne faut surtout pas oublier la très émouvante musique de François de Roubaix, décédé quelques temps avant la sortie de cette œuvre.
Même si j'émets quelques réserves sur le déroulement de l'intrigue, il convient de ne pas manquer de voir ce film d'un Robert Enrico des grands jours pour la formidable performance bouleversante du très grand Philippe Noiret.